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Crise politique en Guinée: Lettre de Marie Madeleine Dioubate à la CEDEAO

La crise politique et institutionnelle continue à créée des inquiétudes. C’est dans cette logique que l’ancienne candidate aux élections présidentielles de 2015 et anciennes alliée du président Apha Conde à fait sa part d’inquiétude dans un courrier adressé aux membres et responsables de la CEDEAO.

Le contenu de sa lettre:

<< Son Excellence Monsieur le Président de la CEDEAO

Excellences Messieurs les Présidents des États membres de la CEDEAO

Paris le, 27 Janvier 2020

Objet : Crise institutionnelle en République de Guinée.

 

Excellence Monsieur le Président de la CEDEAO,

Excellences Messieurs les Présidents des États membres de la CEDEAO,

Depuis le 14 octobre 2019, la Guinée est en proie à une intense contestation,  des dizaines parfois des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues de Conakry et de l’intérieur du pays à l’appel du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), pour protester contre un troisième mandat du Président Alpha Condé.

Je  rappelle que le Front national de défense de la constitution est un collectif de partis d’opposition, de syndicats et de membresde la société civile.

Malgré l’ampleur des contestations , l’escalade de la violence, de la répression brutale, Monsieur le Président Alpha Condé, aujourd’hui âgé de 81 ans, a exprimé son souhait de coupler les élections législatives et le référendum le 16 février prochain ; référendum qui lui permettrait de se maintenir au pouvoir pour un 3ème mandat, puisque l’actuelle constitution limite à deux le nombre de mandats présidentiels.

Depuis son accession à l’indépendance,  la Guinée, a toujours connu des cycles de violences politiques et,  je redoute aujourd’hui une insurrection populaire devant la volonté farouche du Président Alpha Condé de conduire son projet à terme.

Enfin, l’usage excessif de la force dénoncée à maintes reprises par les organisations des droits de l’homme comme Amnesty International, et Human Rights Watch, les arrestations arbitraires, les tirs à balles réelles sur des populations civiles désarmées, les viols, la torture et l’impunité des forces de sécurité, combinés  aux risques  exacerbés de tensions communautaires, laissent craindre que le chaos et l’anarchie ne s’installent durablement en Guinée .

Compte tenu du contexte, il n’est pas à exclure non plus que les conséquences des revendications politiques  et syndicales se soldent par un coup de force et la prise du pouvoir par une junte militaire ; ce qui irait à l’encontre de tout processus démocratique.

Mon pays se trouve aujourd’hui au bord de l’implosion, tous les signaux sont au rouge :

Absence de l’Etat de droit, le non respect des institutions démocratiques, la pauvreté galopante, la jeunesse désœuvrée carsans emploi, l’impossible accès à l’éducation pour les familles démunies, les

expropriations, la corruption érigée en mode de gouvernance, l’insécurité et l’instabilité chronique.

Excellence Monsieur le Président de la CEDEAO,

Excellences Messieurs les Présidents des États membres de la CEDEAO,

Il y a un risque certain de déstabilisation de la sous- région que l’on ne peut ignorer, avec un afflux massif de réfugiés  au Sénégal et en Côte d’Ivoire qui abritent déjà respectivement 3,5 et 1,5  millions de guinéens, mais aussi en Guinée Bissau, au Libéria, en Sierra Leone, au Mali .

Jusqu’à présent la communauté internationale s’est contentée d’appeler en vain au dialogue et au respect des droits de l’homme ; seul le Secrétaire d’Etat américain, Monsieur Mike Pompeo a appelé à une « transition du pouvoir démocratique et honnête ».

Tout récemment, le 23 janvier 2020, votre institution s’est exprimée  à travers le Président de la commission de la CEDEAO, Monsieur Jean-Claude Kassi Brou pour dire qu’elle ne tolèrerait plus aucun 3ème mandat dans l’espace communautaire.

C’est pour toutes ces raisons énoncées que je m’adresse à  votre instance. La Guinée se trouve dans une impasse qui doit être résolue, et la situation que vivent l’ensemble de mes compatriotes ne peut laisser indifférents les êtres humains que vous êtes ainsi que vos structures organisationnelles.

Je ne vois aucune autre institution mieux placée que la CEDEAO pour trouver une issue favorable à ce problème car il s’agit d’un problème africain qui doit être résolu par des africains.

Excellence Monsieur le Président de la CEDEAO,

Excellences Messieurs les Présidents des États membres de la CEDEAO,

L’année 2020  est une année électorale chargée avec dix scrutins présidentiels et/ou législatifs.

La CEDEAO observe, et accompagne mon pays la Guinée depuis plusieurs mois dans la crise institutionnelle qui la secoue,  avec des législatives prévues le 16 février, qui seront certainement couplées avec le référendum sur la modification de la constitution. La communauté internationale redoute l’escalade de la violence dans mon pays à l’histoire tourmentée, coutumier des manifestations et des répressions brutales.

Votre institution  a joué un rôle honnête, cohérent et juste dans la résolution de nombreuses crises et elle a acquis une grande expérience et une grande notoriété dans la gestion des conflits : Sierra Leone, Libéria, Guinée-Bissau, Côte d’Ivoire, Mali… L’organisation a notamment défini le processus de négociation et supervisé la mise en œuvre de l’accord de paix de Ouagadougou. Aucune autre organisation en Afrique n’aurait pu gérer une situation aussi complexe…

Les questions relatives à la paix, à la sécurité et à la stabilité constituent des préoccupations majeures  pour les jeunes Etats africains indépendants que nous sommes, souvent ébranlés par des conflits particulièrement meurtriers et dévastateurs.

En ce qui concerne mon pays la Guinée, je suis inquiète, malgré les interventions et les médiations de la communauté internationale, dont la CEDEAO fait partie.

La médiation n’a pas semblé faire fléchir la position de Monsieur Alpha Condé, qui reste imperturbable.

C’est pourquoi, je souhaiterai que la CEDEAO intervienne en Guinée pour :

sursoir aux élections législatives prévues le 16 février prochain et au référendum,
Éviter un génocide programmé, notamment envers la communauté peule, ( je rappelle que le problème se pose déjà dans certains pays de la sous-région),
Éviter que l’embrasement actuel ne s’étende à l’ensemble du pays et entraîne des risques importants et irréversibles de désastres humanitaires ainsi que des menaces pour la paix et  la sécurité dans la sous région,
Protéger les populations civiles et leurs biens des exactions en cours,
Enfin, agir comme ce fut le cas au Niger avec l’ancien Président Mamadou Tandja qui avait tenté de modifier les lois électorales pour demeurer plus longtemps au pouvoir et avait été sanctionné par la CEDEAO qui avait  suspendu le pays de ses instances [pour violation des textes communautaires de l’organisation].

Excellence Monsieur le Président de la CEDEAO,

Excellences Messieurs les Présidents des États membres de la CEDEAO,

Les différents échecs des différentes médiations en Guinée ont pour cause, le non-respect des accords signés par le Président et son gouvernement avec les partis d’opposition ainsi que les nombreuses promesses non tenues.Face à une telle situation, les chances d’aboutissement de nouvelles négociations sont peu probables.

Malgré notre volonté de consolider la paix et la sécurité en Guinée, nous sommes aujourd’hui, face à un dilemme : celui de privilégier l’alternance démocratique ,  le respect des principes constitutionnels et la bonne gouvernance  ou, la régression démocratique qui pourrait également tenter d’autres États voisins, déstabilisant ainsi la sous-région .

Excellence Monsieur le Président de la CEDEAO,

Excellences Messieurs les Présidents des États membres de la CEDEAO,

A la lumière des événements qui se déroulent actuellement dans mon pays, la multiplication des contestations de plus en plus violentes ainsi que la détermination des manifestants , laissent présager le pire pour l’avenir de la Guinée.

Aussi serait-il souhaitable que votre organisation use de tous les moyens dont elle dispose pour mettre un terme à cette crise institutionnelle avant qu’elle ne se transforme en crise humanitaire.

Au nom du peuple guinéen, je vous demande de ne pas nous abandonner dans notre situation sans issue.

En espérant que ma lettre retiendra toute votre attention, Je vous prie d’agréer excellence, Monsieur le Président de la CEDEAO, Excellences Messieurs les Présidents des États membres de la CEDEAO, l’expression de ma respectueuse considération.

Et que Dieu bénisse l’Afrique !>>

Marie Madeleine DIOUBATE

Présidente du Congrès Populaire Africain (CPA)

Ex candidate à l’élection présidentielle d’octobre 2015 en Guinée .

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