Aux Etats-Unis, les transitions entre deux administrations peuvent être chaotiques.

Dans un épais rapport rendu en juin 2002, le très sérieux Government Accountability Office, qui traque les abus, les erreurs et les incongruités dans la gestion du gouvernement fédéral des Etats-Unis, établit un verdict sévère sur l’attitude des équipes de Bill Clinton juste avant l’arrivée à la Maison-Blanche de son successeur, George W. Bush. Ce document de 220 pages catalogue sans détour les méfaits des membres de l’administration Clinton : « Des dommages, du vol, du vandalisme et des canulars se sont déroulés dans le complexe de la Maison-Blanche durant la transition présidentielle de 2001 », note le GAO. Parmi les tours pendables joués par le camp Clinton : les touches «W» de dizaines de claviers ont été arrachées, des tiroirs ont été collés, des téléphones portables et des télécommandes ont disparu, des poignées de portes ont été démontées. Le rapport détaille même les messages insultants laissés par le camp Clinton, furieux que le démocrate Al Gore ait perdu l’élection après une décision de la Cour suprême concernant la Floride : «Gloire au voleur», «Bush craint»… Montant total de ce vandalisme, scrupuleusement chiffré par le GAO : plus de 15 000 dollars.

Rien n’indique pour l’heure que les équipes de Donald Trump aient commencé à se livrer à une telle frénésie contre celui qui sera son successeur, le démocrate Joe Biden. Mais le président sortant, qui n’a toujours pas reconnu sa défaite, semble déterminé à ne pas faciliter la tâche à celui dont il n’a cessé de se moquer durant la campagne présidentielle et à propos duquel il lâchait, méprisant : «Vous imaginez, si je perdais contre un type pareil?» Après un week-end passé à jouer au golf alors même que l’ensemble des médias américains ont annoncé sa défaite après la victoire serrée mais claire de Joe Biden en Pennsylvanie, Donald Trump a passé la soirée à retweeter des messages émanants de ses plus ardents partisans, notamment parmi les commentateurs ultra-trumpistes de Fox News. Tous attaquent la légitimité des médias qui ont, Fox News compris, déclaré Biden vainqueur. Tous font mine de croire que les actions en justice engagées par les avocats de la campagne Trump pourraient, comme en Floride en 2000, renverser la tendance. Pourtant, alors que le duel Bush-Gore il y a 20 ans s’est joué à quelques centaines de voix dans un seul Etat, Joe Biden accumule des dizaines de milliers de voix d’avance dans plusieurs Etats. Mais Trump et ses alliés prétendent que rien n’est figé avant que les grands électeurs, désignés par le vote populaire, ne se retrouvent le 14 décembre pour élire le président.

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En attendant, l’administration Trump refuse d’entamer le processus de transition. Selon le «Washington Post», l’administratrice de l’Administration des services généraux (GSA), Emily Murphy, n’a pas signé une lettre qui aurait permis aux équipes de Joe Biden de se mettre au travail. Nommée par Donald Trump, elle semble avoir décidé de rompre avec la pratique passée, qui voulait que les équipes sortantes mettent rapidement en place les conditions du transfert des pouvoirs, qui sera pleinement effectif le 20 janvier 2021, lors de l’investiture de Joe Biden. La lettre de l’administratrice a un enjeu symbolique -elle entérine la victoire en désignant officiellement le «président-élu»- mais surtout pratique, note le «Post» : la GSA débloque un budget conséquent pour les équipes du président élu (9,9 millions de dollars cette année), donne accès à des ordinateurs, des adresses mail et des bureaux dans toutes les agences du gouvernement. «Maintenant que la victoire de Joe Biden a été annoncée de manière indépendante, nous attendons que l’administratrice de la GSA désigne rapidement Joe Biden et Kamala Harris en tant que président-élu et vice-présidente-élue. La sécurité nationale de l’Amérique et ses intérêts économiques dépendent de la volonté du gouvernement fédéral de signaler clairement et sans tarder qu’il va respecter la volonté du peuple américain et engager une transition pacifique et harmonieuse», indique un porte-parole de la campagne cité par le «Post».

Aissata Keita

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