La transition au Mali : La prolongation se précise

1

Est-ce qu’il faut se cantonner au fétichisme des dates et en conséquence, sous le prétexte de respecter le délai qui échoit en février 2022, organiser des élections très contestées dans une situation de délabrement de l’Etat qui ramène tout le monde à la case départ, notamment celle des contestations, voire des affrontements au moment où l’intégrité territoriale est elle-même menacée par l’insécurité ? Telle est la question qui suscite actuellement réflexion, non seulement à l’intérieur du Mali, mais aussi à l’étranger, notamment au niveau des partenaires du Mali, lesquels, pour la plupart, ont déjà leur petite idée sur le sujet. 

Faut-il oui ou non prolonger la Transition ? Si le sujet divise actuellement la classe politique où chacun des acteurs affiche sa position avec force arguments, le peuple, dans son écrasante majorité, effleure à peine le sujet, se préoccupant pour le moment de trouver les moyens de faire face aux affres de la dure vie quotidienne.

Dans des chancelleries – et pas des moindres – ainsi qu’au sein d’organisations internationales qui accompagnent le Mali pour une sortie de crise, le sujet est pris très au sérieux pour être analysé sous tous ses angles. Et il nous revient que les partenaires du Mali sont presque d’avis que la prolongation de la Transition est un passage obligé pour la refondation du Mali.

Transition, le Mali en a connu plusieurs ! Mais aucune d’elle n’a pu régler les questions de fond qui peuvent mettre le pays à l’abri des coups d’Etat avec leur corollaire de transition.

C’est vrai que la Constitution de 1992 fait du coup d’Etat “un crime imprescriptible”, mais qu’en est-il de cette disposition si elle peut être vaine, anéantie par une charte sortie de nulle part ou par une décision imposée par la Cédéao ? Il ne suffit donc pas de remplir plusieurs pages blanches d’une constitution relevant du copier-coller teinté de notre passé colonial de pâles copieurs d’une métropole qui, elle-même, se remet en cause actuellement, après avoir enduré des moments forts de sa vie nationale lui rappelant que, les gilets jaunes, c’est l’expression populaire de la nécessité de changement de système politique.

S’il faut être moins exigeant avec la Transition pilotée par feu le Général ATT après la chute du régime de Feu Moussa Traoré parce que ses missions étaient réduites à ouvrir les chantiers de la démocratisation de la vie nationale, on ne peut être plus que regardant sur la réalisation des promesses de changement de l’actuelle transition, après le coup de bluff de la transition dirigée par le Professeur Dioncounda dont le gouvernement n’a pas résolu les problèmes de fond transparaissant à travers le coup d’Etat de Sanogo et consorts. Pr Dioncounda Traoré et son équipe ont tout simplement différé la résolution des problèmes, les maquillant par une démocratie électoraliste qui a produit les sources du coup d’Etat d’août 2020. Un chantier titanesque se dresse donc devant le colonel Assimi Goïta et dont la réalisation divorce d’avec le court-terme. D’ailleurs, le Programme d’action gouvernementale que le Premier ministre, Choguel K. Maïga, a fait avaler aux membres du Conseil national de transition (Cnt) faisant office de chambre d’enregistrement en lieu et place de la défunte assemblée nationale, porte en lui-même les germes de la prolongation de la Transition. Tout simplement, il est trop ambitieux, disons trop chargé pour être réalisé en si peu de temps qui nous sépare de la date-butoir de février 2022.

D’ailleurs, sur les ondes de l’Ortm, Choguel Maïga rassurait au lendemain de sa nomination par le président de la Transition, colonel Assimi Goïta, que toutes les réformes majeures peuvent être mises en œuvre en deux mois. Il semble s’inscrire désormais dans une autre logique. En effet, encore sur les ondes de l’Ortm où il était l’invité spécial, après avoir reçu le quitus du Conseil national de transition (Cnt), il nuançait ses propos, allant jusqu’à susciter la réflexion sur le choix cornélien à faire éventuellement, notamment respecter vaille que vaille le délai de février 2022 en organisant des élections bâclées s’il le faut et sans résoudre les questions essentielles de la refondation de l’Etat ou prendre le temps de régler lesdits problèmes afin de repartir sur une bonne base.

Ce qui signifie déjà que l’actuel Premier ministre intègre dans son champ d’analyse ou peut-être même d’action – on ne sait pas trop en politique- l’hypothèse d’une prolongation de la Transition qui d’ailleurs se précise, tirée par cette histoire d’organe unique de gestion des élections.

Effectivement, trouver un consensus politique sur les tenants et les aboutissants de cet organe ( ce qui n’est pas facile et prend du temps), légiférer sur la question, procéder à la mise en place dudit organe jusque dans les coins les plus reculés du pays où doivent siéger ses démembrements, les doter de moyens matériels et humains dont surtout la question informatique, former les membres de cet organe unique de gestion des élections pour qu’ils s’approprient les nouvelles dispositions électorales, finaliser un fichier électoral fiable et adapté au nouveau découpage administratif qui complique la tâche à ce niveau, disposer des documents électoraux, voilà des étapes – et on en oublie – qui ne permettent pas d’organiser les élections souhaitées, c’est-à-dire propres, en si peu de temps.

S’y ajoute la question sécuritaire avec une situation sur le terrain qui se dégrade ces derniers jours. En témoigne le nombre très élevé de victimes nécessitant un deuil national décrété par le président de la Transition. Cette question sécuritaire, il faut y apporter les réponses justes pour pouvoir tenir le référendum en vue de la nouvelle constitution. Un acte préalable à bien d’autres pour espérer avancer dans le chantier de construction du Mali nouveau tant clamé et très attendu.

Les partenaires du Mali, qui en savent d’ailleurs plus que nous parce qu’ils s’informent et parlent au besoin avec les autorités de la Transition, mesurent l’ampleur de la tâche et aussi le niveau de risque en cas de goût d’inachevé de la transition en cours. Raison pour laquelle, ils ne feront pas la fine bouche pour déclarer solennellement leurs soutien et accompagnement et déjà le terrain est en train d’être préparé parce qu’à tous les niveaux, les “shadow cabinets” sont en action.

     Amadou Bamba NIANG/maliweb.net