La République de Guinée se tient au seuil d’une période déterminante de son histoire politique. Après le tumulte du coup d’État de septembre 2021, la nation cherche à émerger de cette transition et à retrouver sa stabilité démocratique à travers des élections, censées se tenir en 2024 selon les engagements de la junte envers la communauté internationale. Cependant, au cœur de cette transition politique se trouvent des personnalités politiques dont l’influence et les décisions pourraient définir la suite de l’histoire politique du pays.
Dans cette mêlée, le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), qui a mené le coup d’État, jouera un rôle sans doute significatif. Les regards se tournent vers le Colonel Mamadi Doumbouya, chef du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), dont les actions ont chamboulé la politique préalablement établie. Son rôle actuel et futur dans la transition vers des élections libres et équitables pourrait être déterminant pour la stabilité du pays.
Alpha Condé a dominé la sphère politique guinéenne pendant plusieurs années. Certains voient en lui une figure qui pourrait continuer à peser sur la scène politique, tandis que d’autres perçoivent son influence en déclin, laissant place à de nouvelles aspirations démocratiques.
Des leaders de l’opposition tels que Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré cherchent à mobiliser leurs partisans pour façonner une nouvelle ère politique, libre des stigmates du passé. Cependant, la scène politique guinéenne n’est pas limitée qu’à ces figures emblématiques. De nouvelles voix cherchent à émerger, notamment Aliou BAH ou encore Badra Koné, portant l’espoir d’une ère de renouveau.
Cependant, le chemin vers des élections pacifiques et transparentes est semé d’embûches. Le manque de volonté politique du CNRD, les tensions persistantes avec les forces vives et sociales du pays, les difficultés financières qui assaillent le pays, la nécessité de restaurer la confiance avec les institutions représentent, entre autres, des défis majeurs à surmonter.
Guinée 2024 : Vers une nouvelle constitution
Parmi les obstacles pour l’organisation des élections (locales, législatives et présidentielle), on peut également noter l’absence remarquée de budget dédié dans la loi des finances 2024 aux élections, ainsi que l’insistance de la junte à extraire le fichier électoral de deux opérations de recensement (RGPH et RAVEC) contrairement aux meilleures pratiques internationales. Ce qui fait planer le doute sur une possible fin de la transition en décembre 2024 comme convenu avec la communauté internationale. A date, aucun recensement n’a réellement débuté sur le terrain et la classe politique refuse l’option choisie par la junte de mettre l’organe de gestion des élections sous la tutelle du ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation.
En cas donc d’organisation miraculeuse des élections d’ici décembre 2024, se pose alors la question d’un éventuel couplage des différentes élections afin de respecter les délais convenus.
Toutes ces circonstances concourent vers une vers une possible dérogation à l’accord convenu avec la CEDEAO pour mettre fin à la transition en 2024.
La Guinée se tient ainsi à la croisée des chemins, avec des acteurs clés dont les actions et les décisions façonneront le paysage politique pour les années à venir. L’enjeu dépasse largement les intérêts individuels ; c’est l’avenir de la nation qui est en jeu. Réussir à organiser des élections crédibles en 2024 sans effusion de sang ne sera pas de l’ordre de la victoire d’un leader politique, mais plutôt le triomphe d’une Guinée unie, pacifique et démocratique.
Le rôle crucial du CNT : Nouvelle constitution et enjeux majeurs
Le Conseil National de Transition (CNT) se voit confier une mission capitale : élaborer une nouvelle constitution pour rétablir l’ordre constitutionnel en Guinée. Cette constitution doit aborder des questions d’une grande envergure pour la société, notamment l’imposition d’une limite d’âge pour les candidats à l’élection présidentielle, ce qui pourrait exclure de nombreux « poids lourds » de la politique ; la possibilité d’une vice-présidence à la tête de l’exécutif, la limitation du nombre de partis politiques ou encore le parrainage de candidature sont autant de sujets à controverse que le CNT devra aborder.
Cette nouvelle constitution devra également clarifier la possibilité d’une candidature libre aux élections présidentielles en Guinée. En outre, elle doit apporter des éclaircissements sur l’article 46 de la Charte de la Transition, spécifiquement en ce qui concerne l’éligibilité d’un membre du CNRD démissionnaire avant les élections.
La rédaction de cette nouvelle constitution devra apporter des réponses claires à certaines interrogations essentielles pour garantir des élections transparentes et équitables. Y parviendra-t-elle ?
Mamadi Doumbouya : Éligible ou non ? Les confusions de l’article 46
Il est important de rappeler que l’article 46 de la charte de la transition stipule ceci : « Le Président et les membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement ne peuvent faire acte de candidature ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision ». Il est donc difficile d’envisager Mamadi Doumbouya comme candidat aux prochaines élections et cela, compte tenu de nombreux facteurs. Cependant, on peut envisager plusieurs scénarios possibles si l’on fonde notre observation sur des exemples historiques en Guinée et dans d’autres pays africains.
S’accrocher au pouvoir : l’exemple de Moussa Dadis Camara en 2009 offre une leçon sur les conséquences potentiellement désastreuses d’un tel choix. Cette option semble la plus alarmante, car elle vient d’être mise en œuvre au Tchad, où la candidature de Mahamat Idriss Deby Itno a été validée par l’ancien parti au pouvoir, contrairement à ses engagements de départ. Ce même scénario se dessine au Mali, où la constitution rédigée par les putschistes permettrait à Assimi Goita, le chef de la junte, d’être candidat, contrairement aussi à ses engagements initialement pris. Ces agissements ne sont pas sans risque, car ils peuvent entraîner des troubles sociaux, des sanctions internationales (diplomatiques) et une rupture de confiance entre les gouvernants et le peuple. Les manifestations, la pression internationale et delà les séries de violence qui ont suivi le cas Dadis en 2009 devraient suffire à servir d’avertissements clairs contre cette voie.
Organiser des élections et quitter la scène politique : le modèle de Salou Djibo (Niger, 2011) et de Sékouba Konaté (Guinée, 2010), qui ont tous les deux organisé des élections et ensuite quitté la scène politique. Le choix de ces hommes leurs ont valu d’être dans l’histoire de leurs pays respectifs.
Organiser des élections et se retirer temporairement : des leaders comme Amadou Toumani Touré du Mali ou encore Mada Bio de la Sierra Leone avaient choisi cette voie en organisant des élections pour ensuite se retirer temporairement de la vie politique. Cela pourrait être une stratégie pour permettre à Doumbouya de respecter les engagements de la transition, éviter le chaos à la Guinée tout en conservant une certaine intégrité aux yeux du peuple guinéen.
Ce sont-là des leçons tirées du passé récent de l’Afrique, qui servent d’indications sur les implications des choix que ferait Mamadi Doumbouya concernant la gestion de cette transition. L’avenir socio-politique de la Guinée est, en fin de compte, entre ses mains.
Alpha Condé et le RPG arc-en-ciel : À l’heure de la division interne
Alpha Condé a clairement exprimé son intention de revenir en tant que président. S’il mise sur un retour à l’ordre constitutionnel, cela pourrait impliquer de travailler à rallier des soutiens politiques, à la fois au sein de son parti et parmi d’autres acteurs, pour une nouvelle transition qui pourrait plonger le pays sans doute dans une situation sans précédent. La légitimité de cette démarche dépendrait de la manière dont la population et la communauté internationale perçoivent ses actions.
Le boycott pourrait être perçu comme un acte de protestation contre la junte, et cela comporte des risques. Condé pourrait disparaître temporairement de la scène politique, perdre de l’influence et voir d’autres leaders émerger. Toutefois, le boycott pourrait également renforcer sa position en tant que leader de l’opposition, dénonçant l’illégitimité du régime actuellement en place.
Lors d’une rencontre à sa résidence surveillée à Dixinn et après avoir désavoué le Comité Exécutif Provisoire (CEP) mis en place par l’ancien PM Kassory Fofana, Alpha Condé a plutôt recommandé une gestion collégiale et aurait évoqué certains noms pour assurer la continuité politique du RPG-arc-en-ciel, Parmi lesquels : Amadou Damaro Camara, Ibrahima Kassory Fofana, Ibrahima Khalil Kaba, Zalikatou Diallo et Dr Mamadou Ballo.
Soutenir un de ses potentiels dauphins pourrait permettre à Alpha Condé de maintenir son influence politique tout en se retirant de la présidence du parti. Le choix de l’un de ces cadres politiques du parti dépendrait probablement de sa loyauté envers lui et de son poids politique.
Cellou Dalein Diallo : Les défis d’une quête électorale
Doté d’une grande aura politique, d’une expérience politique notable et d’une base de militants solide, Cellou Dalein Diallo incarne une figure politique majeure et représente la principale force politique de l’opposition. En dépit de sa longue carrière politique, de sa capacité de mobilisation et des grands moyens financiers dont il bénéficie, Cellou Dalein n’a pas remporté d’élections présidentielles et cette question demeure un défi majeur.
L’argument récurrent de fraude électorale avancé par l’UFDG soulève désormais des interrogations quant à la stratégie du parti. Il faudrait, peut-être, aller au-delà de la fameuse question de fraude électorale et procéder à une remis en cause de la stratégie politique globale du parti afin de s’assurer que la fraude est le seul facteur d’échec ou pas.
L’UFDG stagne autour de 30 à 35% de voix lors des élections précédentes. Est-ce que le parti est sûr de sa capacité à contrôler les élections ou de son potentiel plafond politique ? Une analyse approfondie des stratégies électorales et des efforts pour élargir la base d’électeurs devient impérative.
Le manque de captation de cadres influents issus d’autres formations politiques avec lesquelles l’UFDG a noué des alliances, comme celle avec le parti Dadis, est une faiblesse stratégique par exemple.
Le leader de l’UFDG a également d’autres cailloux dans ses bottes désormais. L’affaire Air Guinée associée à son nom et qui revient constamment dans les débats politiques, l’éventuelle limitation d’âge prévue dans la nouvelle constitution sont autant de situations qui pourraient constituer des obstacles à la candidature de Cellou.
Une autre question en suspend au sein de son parti, c’est la question de la succession qui suscite des interrogations et qui pourrait perturber la stabilité interne du parti. Les aspirations d’Ousmane Gaoual à remplacer Cellou sont connues, mais vu le désaccord entre les deux hommes, c’est une option complexe à envisager au sein de l’UFDG.
La stratégie de boycott ou de manifestations de masse souvent utilisée par l’UFDG, bien qu’étant un droit constitutionnel pour exprimer le mécontentement, soulève des questions quant à son efficacité à changer les résultats politiques et le risque de conflits sociaux qu’elle entraine.
Cellou Dalein Diallo se retrouve confronté à plusieurs défis encore plus qu’avant, qu’il devra affronter pour tenter de participer et de remporter les prochaines élections.
Sidya Touré : À l’aube d’une nouvelle aventure électorale à près de 80 ans
L’âge de Sidya Touré suscite des interrogations sur une éventuelle nouvelle aventure électorale. Sa riche expérience, notamment en tant que Premier ministre, fait de lui une figure influente du paysage politique guinéen. Cependant, son âge avancé peut représenter un obstacle, surtout si la nouvelle constitution voudrait revoir la question. Mais la question fondamentale est de savoir s’il sera d’ailleurs tenté par une dernière course présidentielle en Guinée.
Le soutien à un autre candidat : Si Sidya Touré décide de ne pas se lancer personnellement dans la course en raison de son âge, pourrait-il décider de soutenir un autre candidat. Son soutien pourrait exercer une grande influence de choix des électeurs, compte tenu de la confiance qu’ils lui accordent.
Une nouvelle tête à l’UFR : Plusieurs noms circulent comme potentiels leaders de l’UFR en cas de retrait de Sidya Touré. Des cadres du parti tels que Baidy Aribot, Mohamed Tall, ou Elhadj Boubacar Barry sont des possibilités émanant de l’interne. Mais le futur président du l’UFR pourrait tout aussi provenir de l’extérieur du parti. Yéro Baldé, Ibrahima Khalil Kaba, et l’ancien Premier ministre Mamady Youla sont des cadres qui pourraient être envisagés pour succéder à Sidya Touré. Il faut rappeler que l’UFR et l’UFDG ont à un moment recruté des leaders issus du PUP (Parti de l’Unité et du Progrès).
Cette décision stratégique de Sidya Touré, de se lancer ou non dans une nouvelle aventure politique, ainsi que la possibilité de sélectionner un successeur parmi les cadres internes ou externes à l’UFR, aideront à mieux sonder l’avenir du parti.
La Guinée Forestière : Dadis Camara et Papa Koly Kourouma
La région forestière reste incontestablement influencée par la figure charismatique de Moussa Dadis Camara, malgré ses déboires judiciaires liés au procès des massacres du 28 septembre 2009. Le soutien de Dadis à un candidat pourrait véritablement changer la donne dans cette région de la Guinée. Son influence dans la région souligne la complexité des dynamiques politiques, les attachements communautaristes ou le vote par appartenance ethnique.
Contrairement à Dadis, Papa Koly Kourouma, lui, a une expérience significative dans le domaine des élections en Guinée. Bien que son absence de la scène politique ait été longue en raison de ses problèmes de santé, il n’a pas totalement perdu son pouvoir d’influence. Sa présence pourrait représenter une force significative dans la région forestière, notamment si ses préoccupations politiques persistent malgré ses problèmes de santé. Si toutefois, Papa Koly Kourouma est toujours intéressé par la politique son potentiel retour ou soutien envers un autre candidat pourrait avoir des répercussions notables sur l’échiquier politique de la région.
Ibrahima Kassory Fofana : les enjeux d’une carrière politique
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