Depuis la chute du régime d’Alpha Condé en septembre 2021, la Guinée est plongée dans une phase de transition politique sous la direction du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD).
Cette période est marquée par des défis complexes, notamment la gestion du pouvoir et la refonte des institutions. Un élément souvent négligé dans les analyses est le poids social dans la politique guinéenne, particulièrement en cette phase transitoire.
Les dynamiques sociales et leur influence politique En Guinée, comme dans plusieurs autres pays d’Afrique de l’Ouest, le tissu social est structuré autour de réseaux communautaires, ethniques et religieux. Ces réseaux jouent un rôle prépondérant dans la mobilisation politique, car ils influencent les choix électoraux et les alliances.
En période de transition, ces affiliations sociales deviennent encore plus déterminantes, car elles permettent de canaliser les frustrations et les attentes des différentes couches de la population.Le poids des leaders traditionnels, religieux et communautaires dans la prise de décision politique est un facteur non négligeable.
Ils interviennent souvent comme intermédiaires entre le peuple et les autorités de transition. Cette proximité avec les masses confère à ces figures une légitimité qui, bien que non institutionnelle, pèse sur les orientations politiques du pays.
Transition politique et frustrations sociales, La transition en Guinée a exacerbé certaines frustrations sociales. La jeunesse, particulièrement active lors des manifestations ayant conduit à la chute du régime précédent, joue un rôle central dans cette transition. Toutefois, malgré cette implication, elle reste souvent marginalisée des processus de décision.
D’autre part, les femmes, bien que majoritairement impliquées dans les dynamiques sociales et économiques, peinent à s’imposer sur la scène politique. Les structures sociales guinéennes, souvent conservatrices, limitent leur accès aux postes de pouvoir, malgré leur rôle crucial dans les mouvements de paix et de cohésion sociale.
L’instrumentalisation des affiliations sociales dans le contexte de la transition, les affiliations ethniques sont parfois utilisées pour légitimer ou délégitimer certaines actions politiques. Par exemple, certaines nominations au sein du gouvernement de transition ont été critiquées pour leur manque de représentativité, ce qui a exacerbé les tensions communautaires.
Il est crucial de comprendre que l’ethnicisation de la politique guinéenne n’est pas un phénomène nouveau, mais elle a été amplifiée par la transition. Le recours aux réseaux sociaux pour exprimer ces mécontentements ethniques a facilité la polarisation politique. Cela pose un risque sérieux à la stabilité du pays, car la manipulation des appartenances ethniques peut rapidement dégénérer en conflits sociaux.
Le rôle des acteurs sociaux dans la consolidation de la transition pour que cette transition aboutisse à une gouvernance démocratique stable, il est impératif que les acteurs sociaux jouent un rôle de modération.
Les leaders religieux, les chefs traditionnels, les organisations de jeunesse et les associations de femmes doivent être impliqués dans la gestion des tensions politiques. Leur poids social peut être un facteur de pacification, s’il est utilisé de manière constructive, pour promouvoir le dialogue et la réconciliation.
En Guinée, des initiatives comme celles menées par des organisations de la société civile , impliquant les jeunes et les femmes dans le processus de paix, illustrent comment le capital social peut être mobilisé pour renforcer la transition.
Ces initiatives devraient être soutenues et étendues, notamment à travers des politiques publiques qui valorisent les rôles sociaux au-delà des simples affiliations politiques ou ethniques.
Le poids social en politique, en particulier dans cette phase de transition en Guinée, est à double tranchant. D’un côté, il peut favoriser la cohésion et la paix sociale en canalisant les frustrations à travers des acteurs légitimes et reconnus par la population.
D’un autre côté, s’il est mal géré ou instrumentalisé, il peut aggraver les tensions ethniques et communautaires, menaçant ainsi le processus de transition. L’avenir de la Guinée dépendra en grande partie de la manière dont les acteurs de la transition sauront gérer ces dynamiques sociales.
Une prise en compte réelle du poids social dans les processus politiques, alliée à une volonté de réformer en profondeur les institutions et de renforcer la démocratie, pourrait offrir à la Guinée une opportunité unique de sortir de ses cycles de crises récurrentes.
Mamadou Barry.