Le 28 septembre 1958, la Guinée, sous la direction visionnaire de Sékou Touré, a marqué l’histoire en se distinguant en disant “non” à la colonisation française. Ce choix courageux et historique a ouvert la voie à l’indépendance du pays dans un contexte où la tutelle coloniale étranglait encore une grande partie de l’Afrique.
Ce refus audacieux n’était pas simplement un acte de défi, mais le symbole d’une quête de souveraineté absolue, une volonté d’émancipation du joug colonial. Plus de soixante ans plus tard, cette date reste un pilier de notre identité nationale, mais le défi de préserver cette indépendance demeure toujours aussi pressant.Aujourd’hui, la Guinée semble balancer entre la fierté de ce glorieux “non” et les compromis, voire les courbettes, que ses dirigeants multiplient avec des puissances étrangères, notamment la France, acteur clé dans la déstabilisation d’États africains.
Un paradoxe se dessine : alors que nous célébrons un acte de rejet de la domination coloniale, nos autorités semblent renouer des liens troubles avec cette même puissance coloniale. Ce double jeu questionne profondément le sens de notre indépendance actuelle.L’enjeu est crucial : dans quel but ce rapprochement avec des institutions comme la Francophonie, qui est souvent perçue comme un outil d’influence de l’ancienne métropole, est-il entrepris ?
Sous couvert de promouvoir la langue et la culture, la Francophonie incarne en réalité une stratégie de soft power, consolidant subtilement l’hégémonie culturelle et politique de la France en Afrique. Mais dans ce contexte de crises politiques et sociales multiples, pourquoi la Guinée choisirait-elle de rouvrir des portes à des institutions et acteurs qui ont longtemps ignoré ses aspirations à un développement véritablement autonome ?
Simultanément, nous constatons que la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), autrefois perçue comme un vecteur d’intégration sous-régionale, se retrouve affaiblie. Ses décisions récentes face aux transitions politiques au Mali, au Burkina Faso et en Guinée révèlent une influence étrangère, particulièrement européenne, qui pèse sur ses choix.
Cette perte d’autonomie de la CEDEAO renforce la méfiance des populations africaines envers leurs propres institutions sous-régionales, désormais perçues comme des relais de l’agenda occidental.Dans ce contexte complexe, la Francophonie s’immisce davantage dans la sphère géostratégique africaine, réaffirmant l’influence française sous un nouveau visage. Mais quel bénéfice la Guinée peut-elle réellement tirer de ce jeu d’alliances, alors que les populations guinéennes peinent à surmonter les difficultés économiques et sociales qui les frappent au quotidien ?
Cet engagement ne risque-t-il pas de transformer notre nation, jadis fièrement indépendante, en un nouvel État tributaire des intérêts étrangers, sous des formes plus discrètes mais non moins dangereuses ?
La Guinée, ayant dit non à la colonisation, doit dire non à ces nouvelles formes de compromission. Les manœuvres géopolitiques actuelles ne doivent pas faire oublier l’idéal de justice sociale, de solidité institutionnelle et d’indépendance économique pour lequel le peuple guinéen se bat encore. Il est de la responsabilité de nos dirigeants de refuser toute manœuvre visant à restaurer les anciens liens de domination, quelles que soient leurs formes.
En ce 28 septembre, nous devons nous rappeler que ce “non” historique à la colonisation française était bien plus qu’un acte symbolique : c’était un serment, celui de défendre coûte que coûte la souveraineté de la Guinée. Ce même esprit doit animer nos décisions et nos engagements aujourd’hui. La Guinée ne peut et ne doit plus se soumettre aux caprices des puissances étrangères, même si ceux-ci se cachent sous des masques modernes.
Que la Guinée redise “non”, une fois encore, à ceux qui voudraient la livrer à des intérêts étrangers, quels que soient les prétextes invoqués. L’avenir de notre nation repose sur une véritable souveraineté, celle pour laquelle nos aînés ont lutté, et non sur des compromis qui sacrifieraient notre dignité pour des gains à court terme. Il est impératif de bâtir un futur fondé sur cette indépendance que nos ancêtres ont conquise avec courage, au prix de grands sacrifices.
Mamadou Barry
Membre du FFSG.