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Guinée : qui sont les responsables de la tragédie de N’zérékoré ? (Par Babila Keita)

Dans un communiqué publié le 13 mai 2022, le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) avait annoncé « l’interdiction de toutes les manifestations sur la voie publique de nature à compromettre la quiétude sociale et l’exécution correcte des activités contenues dans le chronogramme de la transition jusqu’aux périodes de campagnes électorales ».

Cette décision est en contradiction avec la Charte de la transition qui stipule en son article 8 : « Les libertés et droits fondamentaux sont reconnus et leur exercice est garanti aux citoyens dans les conditions et les formes prévues par la loi. Aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier les violations des droits humains.»

Malgré cela, la décision d’interdiction des manifestations est restée maintenue par les autorités de la transition.

Ainsi, les 28 et 29 juillet 2022, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) a décidé de braver la mesure d’interdiction du CNRD en appelant à des manifestations pour « exiger plus de transparence dans la conduite de la transition et la mise en place d’un cadre de dialogue inclusif ».

Cette manifestation avait été réprimée dans le sang, avec à la clé plusieurs arrestations, notamment des leaders (FNDC).

Face à la situation, le G5 Guinée avait fait un communiqué pour dénoncer « les violences au cours de cette manifestation et l’utilisation excessive de la force par les forces de défense et de sécurité ».

Après plus de 9 mois de détention de Foniké Menguè et Ibrahima Diallo et plus de 3 mois pour Billo Bah, tous poursuivis pour des faits de « participation délictueuse à un attroupement et complicité de destruction d’édifices publics et privés » et de « complicité de coups et blessures volontaires » ont été acquittés le 10 mai 2023 par le tribunal de Dixinn.

Ce verdict qui n’était pas du goût des autorités de la transition a coûté le poste du ministre de la justice Moriba Alain Koné, qui aurait été indexé à la présidence par le parquet général d’alors, d’avoir ordonné au substitut du procureur de Dixinn « d’abandonner les charges poursuivies ».

Le 24 décembre 2022, un autre communiqué du CNRD avait été lu à la télévision nationale pour réitérer la même mesure « d’interdiction des manifestations » avec de nouvelles précisions.

« Conformément à la vision de son président… le CNRD rappelle au glorieux peuple de Guinée l’interdiction des manifestations de toute nature sur la voie publique : marche de soutien ; gala ; tournoi sportif ou toute activité distractive de quelque nature que ce soit… » Avant d’ajouter : « Les énergies et les idées doivent plus que jamais être exclusivement consacrées à l’atteinte du destin exceptionnel que la providence a prédisposé pour la Guinée. »

Malheureusement, le constat révèle une application partielle de cette mesure, notamment contre les opposants au régime de la transition. Aucune formation politique, aucune organisation de la société civile n’est jusque-là autorisée à exprimer son opposition à la conduite de la transition et aux agissements des pouvoirs publics à travers des manifestations qui sont toujours réprimées sans état d’âme.

Au même moment, sur le terrain, les mêmes autorités du CNRD et leurs soutiens s’investissent ardemment dans l’organisation de concerts et de tournois de football en soutien à Mamadi Doumbouya pour la continuité de son pouvoir.

Cela pour dire que la mesure d’interdiction des manifestations est faite contre les opposants de son régime et non pour ceux qui le soutiennent.

C’est dans cette logique que nous assistons, depuis plusieurs mois, à des tournois sportifs qui mobilisent les cadres de la Présidence et les membres du gouvernement dans presque toutes les grandes villes du pays, au nom et pour le compte du Président de la transition.

« On n’est plus en transition, on est en refondation », avait déclaré récemment le ministre secrétaire général de la présidence, Amara Camara, en provenance du lancement d’un autre tournoi sportif à N’zérékoré, au sud du pays.

Ce dimanche 01 décembre 2024, se jouait la finale dudit tournoi qui portait le nom du président Mamadi Doumbouya et qui s’est soldée par une tragédie qui a coûté la vie à plusieurs dizaines de personnes, majoritairement des jeunes avec de nombreux blessés.

Selon une source médicale rapportée par nos confrères de l’AFP, « il y a plus d’une centaine de morts ».

Il faut préciser également que lors de ce match, plusieurs membres du gouvernement étaient présents dans ce stade en chantier depuis 2009 et dont le contrat avait été confié à la société GUICOPRES à coût de plusieurs dizaines de milliards de nos francs.

A la veille du match, des médias de la place auraient annoncé que le président de la transition serait au rendez-vous, selon des citoyens que nous avons joints à N’zérékoré.

Même si nous ne savons pas encore les circonstances du drame, il est clair que ce tournoi de football, s’il n’est pas l’initiative des autorités de la transition, ils en ont accordé une attention toute particulière et soutenu par tous les moyens sa réalisation avec toute la « propagande nécessaire », comme ce fut le cas pour les précédents dans d’autres villes du pays.

Alors, qui doit-on indexer comme responsables de cette tragédie puisque les manifestations de toute nature ainsi que les tournois sportifs en soutien à la transition, restent et demeurent interdits sur l’ensemble du territoire national par le CNRD ? La question reste posée. Cependant, il revient à la justice d’apporter la réponse si elle existe réellement comme le font croire les autorités.

Affaire à suivre…

Mamoudou Babila KEITA

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