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Qui trahit les journalistes aux autorités ? (Par Abdoul Latif)

Le journaliste Marouane a été kidnappé, et tous les regards se tournent vers l’homme d’affaires KPC, une hypothèse qui, pour certains, n’est pas à écarter. Oui j’avoue tout est possible dans notre paradis .

Mais laissez-moi vous dire que les véritables responsables sont parfois plus proches qu’on ne le pense. Oui, ce sont souvent les confrères journalistes eux-mêmes qui livrent leurs collègues aux autorités.

Inutile de chercher une aiguille dans une botte de foin, notre profession est gangrenée par des pratiques de taupes .

De nombreux journalistes travaillent pour les services de renseignement, rédigeant des rapports sur leurs propres confrères.

Dès qu’un article sensible est publié, ils sont les premiers à vous appeler, sous couvert de compliments, pour ensuite vous poser des questions insidieuses et tenter de soutirer des informations cachées.

J’ai toujours dénoncé ces pratiques de taupes de certains journalistes , et aujourd’hui encore, elles me révoltent.

Je suis tombé des nues lorsque j’ai découvert que certains collègues, avec qui je communiquais régulièrement, collaboraient avec les services de renseignement.

Heureusement, j’étais prudent et capable de distinguer les personnes fiables de celles qui ne l’étaient pas.

On dit souvent pour être un bon journaliste d’investigation, il faut avoir un vaste réseau d’informations à tous les niveaux, mais il faut aussi être sur ses gardes.

Un agent peut ne pas avoir des réponses sur des questions directes concernant un journaliste , mais un proche ami journaliste ? Oui . Parce que tu n’hésiteras jamais à donner ta position à un confrère journaliste très proche de toi. Et c’est souvent par ce biais que l’on finit par vous traquer facilement.

Je vais partager une expérience douloureuse qui continue de me hanter .

Le 16 août dernier, alors qu’une équipe était prête à venir me kidnapper, un contact m’a appelé pour me conseiller de quitter le pays.

Il m’a averti qu’il était prévu de me capturer et de m’envoyer à Fotoba jusqu’à la fin de la transition. Avec insistance, il m’a demandé de l’écouter pour une fois , car il ne voulait pas me voir souffrir.

Il savait que sous la torture, je risquais de révéler mes sources et de mettre en danger la vie de plusieurs personnes.

Je lui ai donné raison et j’ai demandé pardon à ma femme. Ma fille, qui était à l’école, n’allait pas me voir pendant plusieurs jours.

Quelle douleur de se séparer de sa famille, de la chaleur de ses enfants ! J’ai décidé de partir, non pas par volonté d’abandonner ma famille, mes enfants, ma maison et tout ce que je possède, mais pour sauver ma vie. Il vaut mieux être en vie, même loin de sa famille, que d’être près d’eux dans la tombe.

Quelques minutes après cet appel, un confrère journaliste, que je savais collaborer avec les services de renseignement, m’a contacté au téléphone .

Il voulait savoir si j’étais chez moi sous prétexte qu’il voulait passer me saluer. J’ai prétendu être absent et, il a insisté pour me voir, prétendant qu’il avait des dossiers à me confier.

Je lui ai répondu que ce serait pour une autre fois. Sa mission était de rester près de moi, tout en envoyant des informations sur ma position, jusqu’à ce que mes kidnappeurs me retrouvent.

Il serait alors, une fois de plus, le premier à publier : « Le journaliste Aboul Latif Diallo vient d’être arrêté par des hommes encagoulés. » Mais je savais déjà qui il était et pourquoi il tenait tant à me rencontrer.

sans perdre de temps, je suis passé à mon plan B. Peu après, j’ai été étiqueté comme “recherché pour cause sécurité nationale”. Un petit journaliste comme moi, vous imaginez !

Quelques semaines plus tard, un autre confrère m’a appelé, feignant de s’inquiéter pour ma sécurité. Il a insisté pour savoir si j’étais à l’abri, affirmant qu’il voulait m’aider.

Je lui ai menti, disant que j’étais en Sierra Leone. Le lendemain, une unité des forces spéciales est partie du camp Kalako pour la Sierra Leone.

Mes contacts m’ont immédiatement alerté. Ce même confrère a ensuite cherché à savoir dans quelle partie de la Sierra Leone je me trouvais. Je lui ai répondu que je ne connaissais pas le nom du quartier et que ce n’était pas prudent de le révéler.

Le véritable malheur de notre corporation, c’est nous-mêmes. Tant que nos propres confrères continueront à nous vendre aux autorités, nous serons faibles face au pouvoir.

Trop de journalistes se sont laissés corrompre. Si cette presse n’était pas un vaste réseau de taupes et de punaises, le CNRD n’aurait jamais réussi à la pulvériser aussi facilement.

Mais que voulez-vous ? L’appât du gain est devenu la corde sensible de nos journalistes, et le CNRD, malin comme un vieux renard, a joué sa carte maîtresse, le bon vieux cheval de Troie, mais version guinéenne, parfumé au billet de banque.

Alors, ne cherchez pas bien loin les responsables , ils sont au cœur de notre métier.mais le grand jour viendra .

Abdoul Latif Diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant

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