L’histoire d’une nation n’est pas une simple succession de dates et d’événements. Elle est le récit vivant d’un peuple, fait de luttes, d’espoirs, de sacrifices et de triomphes. Chaque nation porte en elle les cicatrices et les éclats de son passé. Mais ce qui distingue les peuples résilients, c’est leur capacité à affronter leur histoire avec courage, à la comprendre, à l’assumer et à en tirer les enseignements nécessaires pour bâtir un avenir meilleur. Refuser de reconnaître son passé, c’est s’enchaîner à lui, c’est tourner en rond dans un présent incertain, sans repère, sans horizon.
La Guinée face à son héritage entre douleur et espoir
Notre pays, la Guinée, est une terre de diversité, de culture et de résilience. Mais c’est aussi une terre marquée par des épreuves profondes. De la colonisation à l’indépendance, des rêves brisés aux espoirs renaissants, notre histoire est tissée de moments de fierté et de blessures encore ouvertes. Aujourd’hui, alors que nous vivons une nouvelle transition, l’histoire semble se répéter, avec son lot d’injustices et de désillusions.
Combien de familles portent encore le poids du passé, entre silences et souvenirs douloureux ? Combien de Guinéens se demandent si, cette fois, l’histoire prendra enfin un tournant différent ? Nous sommes à un carrefour. Nous pouvons continuer à avancer dans l’ombre des incompréhensions et des divisions, ou nous pouvons choisir d’éclairer notre route en affrontant ensemble les vérités de notre passé.
Histoire et unité nationale : se parler pour mieux se comprendre
Les tensions que nous connaissons aujourd’hui ne sont pas nées du néant. Elles trouvent leurs racines dans des blessures non cicatrisées, des injustices jamais réparées, des mémoires étouffées. Tant que nous ne mettrons pas des mots sur ces douleurs, elles continueront de ronger notre cohésion nationale.
Chaque Guinéen a son histoire, son point de vue, sa douleur, ses espoirs déçus. Certains portent le souvenir d’un père disparu sans explication, d’un frère injustement emprisonné, d’un village dévasté. D’autres se souviennent d’un temps où l’unité semblait possible, où l’on rêvait ensemble d’un avenir radieux. Mais nos récits ne doivent pas nous opposer. Ils doivent, au contraire, nous aider à bâtir un récit commun, où chacun trouve sa place, où chacun se sent écouté et compris.
Un peuple qui refuse de parler de son passé ne peut se construire un avenir solide. Il est temps d’ouvrir les yeux, d’ouvrir les cœurs et d’ouvrir le dialogue. Non pas pour juger, mais pour comprendre. Non pas pour diviser, mais pour guérir.
L’histoire comme flambeau pour l’avenir
Assumer son histoire, ce n’est pas seulement reconnaître ses erreurs, c’est aussi célébrer ses victoires. C’est se rappeler que, malgré tout, la Guinée a su tenir debout. Que notre peuple a toujours trouvé la force de se relever. Que notre jeunesse porte en elle une énergie incroyable, une soif de changement et de renouveau.
Mais cette jeunesse ne peut avancer sans comprendre d’où elle vient. Elle a besoin de repères, de récits, de vérités. Elle a besoin qu’on lui transmette l’histoire non pas comme un poids, mais comme une boussole. Car un avenir bâti sur le déni et l’oubli est un avenir condamné à l’échec.
Nos enfants méritent mieux. Ils méritent un pays où l’on se parle sans crainte, où l’on se tend la main plutôt que de se méfier. Ils méritent une Guinée où l’histoire est une source d’apprentissage, et non un fardeau qui divise.
Un appel à l’inclusion et à la réconciliation : oser regarder en arrière pour mieux avancer
Certains diront que la réconciliation n’est qu’un mot. Mais pour ceux qui portent le poids du passé, elle est un besoin vital. Comment avancer si nous ne reconnaissons pas les blessures de ceux qui nous entourent ? Comment bâtir un avenir si nous marchons sur des terres encore fracturées par l’incompréhension ?
Nous devons avoir le courage de nous regarder en face, de reconnaître ce qui a été fait, ce qui a été mal fait, et ce qui doit être réparé. Ce n’est qu’en acceptant notre passé, avec ses douleurs et ses grandeurs, que nous pourrons écrire ensemble une nouvelle page. Une page où chaque Guinéen, quelle que soit son origine, son histoire, son parcours, se sentira chez lui dans cette nation.
La Guinée a tout pour être un modèle de résilience et d’unité en Afrique. Mais cela ne sera possible que si nous avons l’audace d’affronter notre passé et d’en faire la pierre angulaire de notre avenir. Nous devons cesser de marcher à reculons. Nous devons choisir d’avancer, ensemble.
L’histoire est un miroir. Osons nous y regarder. Non pour nous y enfermer, mais pour y puiser la force d’aller plus loin, plus haut, plus fort. Pour que demain, enfin, la Guinée devienne ce qu’elle a toujours rêvé d’être une nation unie, digne et tournée vers l’avenir.
Mamadou Barry
Acteur de la société civile