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Aliou Bah ou le crime d’être debout !

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Dans un pays où les menteurs prospèrent et les muets montent en grade, il arrive parfois qu’un homme parle — et que cela suffise à déclencher l’orage. Aliou Bah n’a ni volé, ni tué, ni trahi. Il a juste osé dire la vérité à ceux qui l’ont confisquée. Résultat : prison, menottes et silence médiatique. Mais voilà, il parle encore. Et cette parole, dans la bouche d’un homme libre, vaut toutes les bombes.

Voici le récit d’un procès qui n’en est pas un, et le portrait d’un accusé qui accuse.

Qu’a donc fait Aliou Bah pour mériter d’être balancé dans une cellule insalubre, entouré d’inconnus, le regard braqué sur le plafond moisi d’une république en décomposition avancée ? A-t-il volé ? Violé ? Pillé les caisses de l’État, trafiqué des marchés publics, acheté des villas à Dubaï ? Non, pire que tout cela : il a pensé tout haut. Dans une République où l’intelligence est une arme subversive, Aliou Bah a eu l’audace de parler — et de ne pas s’excuser.

Il n’a pas fui. Il n’a pas pleuré. Il n’a pas juré allégeance. Il a juste dit : « Nous allons vous confronter à vos actes. » Et comme dans les mauvais romans de dictature, ce genre de phrase vaut mandat de dépôt.

On l’a cueilli sans prévenir, façon film d’action raté : hommes cagoulés, gros calibres, silence total sur le pourquoi du comment. Pas même une insulte de policier pour faire couleur locale. Juste le néant. L’État, chez nous, ne se justifie plus : il impose. Il fait disparaître. Il embastille. Il crie à la paix en tirant sur le peuple. Et il prétend écrire l’Histoire en effaçant les vivants.

Mais Aliou Bah, au lieu de jouer la victime éplorée, se tient debout. Stoïque. Presque insolent. Il rappelle qu’il est père de famille, acteur politique, travailleur. Et surtout, qu’il n’a jamais trempé dans les petits deals de salon qui font les grandes trahisons de notre époque. Il aurait pu pactiser avec la junte, se faire un costume sur mesure, jouer les opposants domestiqués. Mais il a dit non. Et ce non, dans une République de Oui-Oui, c’est déjà un crime de lèse-pouvoir.

Il ne demande pas qu’on le plaigne. Il demande qu’on regarde. Qu’on ose ouvrir les yeux. Et qu’on réponde à cette question toute simple, posée comme un scalpel : « Quel type de société voulons-nous bâtir ? » Une société de courtisans ? De flatteurs professionnels ? Une république où l’on fait carrière en fermant les yeux sur les disparus et les spoliés ? Où l’on punit ceux qui disent la vérité et qu’on acclame ceux qui la prostituent ?

Aliou Bah n’est pas un prophète, ni un martyr. Il est pire : un homme libre. Et dans cette jungle politique où chacun cherche l’arbre le plus pourri pour y grimper plus vite, un homme libre, c’est une anomalie. Une menace. Une gifle silencieuse à l’ordre établi.

On peut l’enfermer. On peut salir son nom, inventer des procès, fabriquer des accusations. Mais il y a une chose qu’on ne pourra pas lui voler : cette phrase simple, droite, inébranlable, qui résonne comme un verdict contre tous les imposteurs : « Je ne regrette rien. »

Et c’est peut-être cela, le vrai scandale.

Par Alpha Bacar Guilédji, « Écrasons l’infâme »

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