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Le rôle de la culture et des intellectuels dans l’histoire politique Guinéenne

La république de Guinée possède une histoire riche qu’elle a su entretenir grâce aux intellectuels et aux acteurs culturels. D’ailleurs, ne sont-ils pas tous des intellectuels ? En effet, chaque groupe, en fonction de son moyen d’expression, a réussi à influencer la société Guinéenne, conférant à chaque transformation un caractère unique en raison de son intervention directe ou de sa prise de position face à des événements historiques majeurs.

Au cours de cette histoire tumultueuse, plusieurs figures intellectuelles et artistiques se sont distinguées à chaque époque, telle que :

Au cours de cette histoire tumultueuse, plusieurs figures intellectuelles et artistiques se sont distinguées à chaque époque, telle que :
À la veille de l’indépendance : l’écrasant “NON” au référendum du 28 septembre 1958 est en partie le résultat d’une série de communications menées par les intellectuels et les artistes, qui, à travers divers groupes et orchestres, ont servi de relais aux aspirations des masses populaires.

  • Sous le premier régime de Sékou Touré : le défunt Président, l’un des principaux artisans de l’indépendance, reconnaissant la contribution des intellectuels et des artistes, fera de la culture un levier stratégique de sa politique, servant à la fois de propagande et d’endoctrinement. La Guinée brillera sur la scène internationale grâce à ses orchestres. Cependant, alors que la culture atteignait son apogée, les écrivains et intellectuels se heurtaient aux réalités de la politique et au contrôle de la liberté d’expression. Beaucoup choisiront l’exil, tandis que ceux restés dans le pays subirent répression et emprisonnement. Les oeuvres littéraires issues de l’exil seront critiques, dépeignant un sombre tableau de la gestion du pays et des anciens héros devenus oppresseurs.
  • Sous le Comité Militaire de Redressement National (CMRN) : après l’arrivée des militaires au pouvoir en avril 1984, le général Lansana Conté, alors colonel, adoptera une position qui placera à nouveau les intellectuels au centre des réformes sociétales. La diaspora, absente sous Sékou Touré, sera désormais impliquée dans la construction d’une Guinée prospère. Cependant, les acteurs culturels, désormais privés de financement public, devront se débrouiller seuls dans un environnement plus libéral auquel ils n’étaient pas toujours préparés.
  • La période transitoire du CNDD (2008-2010) : après la mort de Lansana Conté, le pouvoir revient à un capitaine militaire inconnu du grand public, qui réussira à fédérer l’opinion nationale. Cela s’explique par la déception générale inspirée par la gestion du défunt régime et à la méfiance que suscitaient les intellectuels perçus comme complices de celui-ci. Un bipartisme politique émerge, et la culture devient un outil pour influencer les consciences et polariser l’opinion.
  • De la démocratie d’Alpha Condé à la Transition de Mamadi Doumbouya : Alpha Condé, perçu comme le symbole d’un renouveau après des décennies de lutte pour l’Etat de droit, sera élu lors de la première élection libre de la Guinée indépendante. Cependant, après son arrivée au pouvoir, sa gestion montre les limites des intellectuels, plus enclins à la recherche de gains personnels qu’à servir le bien commun. L’opposition politique et la mouvance oscillent, avec des intellectuels allant et venant entre les deux camps. Au milieu de cette confusion, quelques figures, telles que Khalifa Gassama, se distinguent par leur intégrité.

Cependant, malgré l’arrivée de nouveaux dirigeants sous le leadership du Général Mamadi Doumbouya, la Guinée semble encore en proie à des tensions internes, et la culture continue de servir de véhicule de propagande au service du pouvoir en place. La population, trahie par les intellectuels qui n’ont jamais su guider le pays vers son véritable progrès, observe une nation prise en otage par des acteurs politiques et militaires.

Ainsi, à travers cette analyse, on constate que, bien que la culture et les intellectuels aient joué un rôle crucial dans l’histoire politique guinéenne, leurs influences et impacts demeurent ambivalents, entre idéalisme et trahison, entre aspiration à la liberté et contrôle autoritaire.

Comparaison avec d’autres pays africains

La Guinée, riche d’une histoire marquée par des luttes pour l’indépendance, des aspirations à la justice sociale et des espoirs de prospérité, fait face à un paradoxe troublant. Ce paradoxe, c’est la trahison de ceux qui étaient censés porter le flambeau du changement. Parmi eux, les intellectuels ont une place centrale.

  • L’engagement intellectuel, un serment oublié : L’intellectuel, par essence, est censé être un phare dans l’obscurité, une voix qui dénonce les injustices et qui oriente les sociétés vers des idéaux plus élevés. Pourtant, dans notre contexte guinéen, nombreux sont ceux qui, après avoir brillé par la critique, sombrent dans le silence ou le conformisme dès qu’ils accèdent aux cercles du pouvoir. Pourquoi cette métamorphose si soudaine et si récurrente ?

Lorsqu’ils sont en marge, ces intellectuels apparaissent comme des champions de la vérité et des voix courageuses promptes à dénoncer et condamner les abus. Ils écrivent, discourent et mobilisent. Mais une fois aux affaires, beaucoup renoncent à ces engagements. Ils évitent les sujets qui pourraient « fâcher le Chef » ou mettre en péril leurs privilèges nouvellement acquis.

  • Les luttes et leurs objectifs non atteints : La Guinée est connue pour ses luttes en faveur du changement. Les manifestations contre la vie chère qui ont connu du succès dans les pays arabes et emporté des chefs d’État, même en Afrique de l’Ouest, ont commencé chez nous dès 2006. Cependant, presque toutes les luttes qui ont mobilisé des foules, causé des blessures et des pertes en vies humaines, et retenu l’attention nationale et internationale, n’ont pas atteint leurs objectifs.

Prenons par exemple la lutte syndicale de janvier et février 2007.

Les syndicalistes réclamaient des changements profonds dans la gouvernance et l’amélioration des conditions de vie des populations. Ils ont obtenu en retour la nomination d’un Premier ministre, quelques promotions pour certains leaders syndicaux à des postes administratifs, mais aucun changement structurel significatif. Finalement, le Général Lansana Conté s’est débarrassé de ces concessions lorsqu’il l’a jugé nécessaire. Cela montre que même les luttes les plus intenses peuvent être vidées de leur substance si elles ne sont pas accompagnées d’un véritable changement de paradigme dans la gouvernance. Changement que devraient apporter ceux qui ont sollicité et obtenu un gouvernement de consensus de M. Lansana Kouyaté et un gouvernement de large ouverture du Dr Ahmed Tidiane Souaré.

Il en est de même pour la dernière lutte courageuse menée en 2020 et 2021 par le Front National pour la Défense de la Constitution. Que de brimades, de tueries et de blessures profondes. L’objectif était d’empêcher la modification de la constitution et par ricochet, la
candidature du Professeur Alpha Condé pour un troisième mandat. À l’arrivée, la constitution a bien été changée et Alpha s’est offert un troisième mandat.

Naïveté ou imprudence. Ceux-là même qui ont aidé celui qui se targuait encore d’avoir été le premier Président démocratiquement élu de la Guinée depuis 1958, avant de renoncer à ses convictions d’opposant historique, ont été célébrés par nous intellectuels, lorsqu’ils l’ont déposé le 5 septembre 2021. Quelques-uns d’entre nous qui ont participé activement à cette lutte sur la base de leur foi en la démocratie et la liberté ont bénéficié des promotions. Paradoxalement, ils n’ont eu pour tâches que la destruction de l’idéal auquel ils ont fait adhérer plusieurs de nos compatriotes.

Plusieurs facteurs expliquent cette trahison intellectuelle :

  • La peur de perdre les privilèges : une fois dans les cercles du pouvoir, la pression pour se conformer est intense. Les avantages matériels, les honneurs et les avantages liés à la position deviennent des freins à toute critique.
  • La culture du silence imposée par le pouvoir : dans beaucoup de pays, y compris en Guinée, le système politique tend à museler toute voix dissidente, surtout lorsqu’elle provient de l’intérieur.
  • Le poids des attentes sociales : les communautés, souvent avides de voir « leurs fils et filles » réussir, encouragent une posture d’adaptation au système en place.
  • Le spectre de l’ethnicisme : la société guinéenne demeure très polarisée par les clivages et considérations ethniques et communautaires. Insidieux et rampant, le phénomène inhibe nombre de compatriotes dont il conditionne les actions de sabotage ou justifie le silence complice.
  • Une société civile politisée : en Guinée, certaines entités se revendiquant de la société sont en fait des officines politiques qui ne s’assument pas. Des organismes à l’intérieur desquels l’engagement est davantage dédié à des promotions administratives et à du clientélisme politique qu’aux préoccupations authentiques des citoyens.
    La banalisation de l’intellectuel : certes, les intellectuels guinéens, comme nous l’avons dit plus haut, ont une responsabilité non négligeable dans le fait que le pays ait essentiellement tourné en rond depuis de nombreuses années. Mais à leur décharge, la société guinéenne est très violente à leur égard. L’Etat, en ce qui le concerne, récompense davantage les activistes au détriment de ceux qui réfléchissent, les intellectuels guinéens sont très souvent dans un état de vulnérabilité tel qu’ils n’ont pas toujours le choix.

Les leçons des pays voisins

Si nous regardons autour de nous, nous voyons que les pays voisins de la Guinée progressent, souvent à un rythme soutenu. L’explication réside dans deux éléments clés :

  • La volonté des intellectuels de privilégier le bien commun : dans des pays comme le Ghana ou le Sénégal, les intellectuels s’impliquent activement pour renforcer la
    démocratie et instaurer des systèmes de gouvernance plus transparents. Ils refusent de sacrifier leurs principes au profit d’intérêts personnels. L’attitude des magistrats et des universitaires dans la crise ayant précédé la dernière élection Président ielle au Sénégal inspire tant.
  • La détermination de la société civile : une société civile forte et guidée par des convictions authentiques agit comme un contrepoids essentiel au pouvoir en place. Elle exige des réformes et s’assure que les promesses électorales se traduisent en actions concrètes. Au Bénin, par exemple, la pression constante de la société civile a permis des changements qui instaurent peu à peu la culture démocratique.

Au Ghana, des réformes dans la gouvernance et l’économie ont permis au pays de devenir un modèle de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest. La transparence dans la gestion des ressources naturelles, ainsi que les investissements dans l’éducation et la santé, témoignent d’une vision tournée vers le développement durable. Les intellectuels et la société civile ghanéens collaborent activement pour maintenir cette dynamique. Ils ont surtout la possibilité de contraindre les dirigeants à agir pour le bien des collectivités.

Le Botswana, souvent cité comme un exemple de bonne gouvernance en Afrique, doit son succès à une gestion prudente de ses ressources naturelles, en particulier le diamant. L’engagement des leaders intellectuels et politiques à privilégier le bien commun a permis d’instaurer une stabilité politique et économique remarquable. Les institutions fortes, incarnées par des hommes de valeur et la lutte contre la corruption sont des piliers du succès du Botswana.
Il est organisé autour des activités minières une véritable surveillance. Des ONG telles que Transparency International Botswana surveillent les pratiques gouvernementales pour identifier et dénoncer la corruption ou les abus de pouvoir. La société civile milite pour des lois permettant aux citoyens d’accéder plus facilement à l’information publique.
En Tanzanie, les réformes entreprises sous le leadership du défunt Président John Magufuli ont marqué un tournant dans la gestion des ressources publiques et la lutte contre la corruption. Les investissements dans les infrastructures, l’éducation et la santé ont amélioré la qualité de vie de nombreux citoyens. La société civile et les intellectuels tanzaniens continuent de jouer un rôle clé pour maintenir cet élan, malgré les défis.

Dans notre pays, des lois qui sont adoptées ne sont pas respectées et les intellectuels ne se donnent pas de peine à changer la donne. Cela dure depuis des décennies et ce n’est pas encore sur le point de change

Par : 

Mariama Diallo SY
Amadou BAH
Boubacar Sanso BARRY
Mahamoud TOURE
Alseny SALL
Sékou KAMANO
Jacques Lewa LENO

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