L’année 2010 constitue une année de repère importante dans le combat pour l’instauration de la démocratie et l’État de droit en république de Guinée. En effet, c’est au cours de cette année qu’un civil a été porté pour la première fois à la tête de l’État suite à une élection certes contestée par l’opposition mais considérée comme acceptable aux yeux de la Communauté internationale.
L’élection de Monsieur Alpha CONDÉ, opposant historique, adulé au-delà des frontières pour son combat en faveur de l’instauration de la démocratie en Guinée a suscité de l’espoir au-delà de ses partisans qui avaient combattu à ses côtés et voté pour lui.
Tous les Guinéens, y compris ses opposants étaient quasi-unanimes que c’est quand même la première fois qu’un intellectuel de sa trempe, imprégné des défis et enjeux de développement du continent africain est Président de la république depuis l’accession du pays à l’indépendance le 02 octobre 1958.
En tant que Président élu, il avait la charge de parachever la transition entamée le 23 décembre 2008 par l’organisation des deux dernières élections qui restaient, à savoir les législatives et les locales. Pendant toute sa première mandature, il n’a pu organiser que les élections législatives ce, en septembre 2013, à la suite de nombreuses manifestations rue de la classe politique de l’opposition. Manifestations qui se soldèrent le plus souvent par des pertes en vies humaines, des blessés, des arrestations et détentions ainsi que des dégâts matériels considérables dans un climat de tension persistante entre autorités gouvernementales et partisans de l’opposition. Ce qui constituait en soi une entorse aux principes démocratiques que Monsieur Alpha Condé s’était engagé pourtant à respecter et à faire respecter.
Au même moment, il faut souligner que le gouvernement avait initié des réformes importantes et prometteuses en vue de l’amélioration du cadre macro-économique au bénéfice des populations. Et la plupart des partenaires au développement étaient en phase avec ces réformes et s’étaient engagés à les soutenir. Mais le retard accusé par le gouvernement dans la mise en place des institutions constitutionnelles et les tensions politiques persistantes entre le gouvernement et la classe politique de l’opposition avaient ralenti la plupart des initiatives et actions du gouvernement dont certains ont fini par échouer. D’autant que pour nombre de ces partenaires, la mise en place des institutions prévues par la constitution était la condition pour la mise à disposition des financements.
A cela, il faut ajouter que Monsieur Alpha Condé avait annoncé comme une des priorités de son action, la justice et la réconciliation nationale. Dans cette optique, d’une part, l’organisation des Etats-généraux de la justice, en mars 2011, avait débouché sur un plan d’action étalé sur 10 ans et tournant autour de quatre piliers : l’accès à la justice, l’indépendance de la magistrature, le renforcement et la valorisation des capacités humaines et institutionnelles ainsi que la lutte contre l’impunité d’une part.
D’autre part, la Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale, créée en Août 2011, avec le soutien notamment des experts des Nations Unies, avait produit un rapport assorti de la recommandation en faveur de la mise en place d’une commission définitive de réconciliation remis au Président Alpha Condé, en 2016.
Le rapport précisait que ladite commission devait tenir des quatre piliers de la justice transitionnelle : Rétablir la vérité historique des faits, la répression pénale des crimes les plus graves, la mise en place des mesures de réparation pour les victimes et engager l’État à faire des réformes institutionnelles pour éviter la répétition des crimes. Malheureusement, la problématique de la lutte contre l’impunité, la réconciliation nationale n’a pas été à la hauteur des attentes des victimes de violations des droits humains dont le nombre a grimpé considérablement sous l’ère Alpha CONDÉ.
Par ailleurs, des efforts ont été fournis par les gouvernements successifs de Monsieur Alpha CONDÉ pour améliorer des secteurs clés tel que l’électricité par la construction des barrages hydro-électriques de Kaleta et Souapiti notamment mais aussi le réseau routier par l’augmentation des nombres de kilomètres de bitumes, la réfection de certaines voiries interurbaines et la nationale Coyah-Mamou-Dabola,
Le dénominateur commun des deux mandats du Président Alpha Condé reste marqué par la tension persistante entre son gouvernement et les acteurs politiques et sociaux.
Le retard engendré dans la mise en place des institutions constitutionnelles prévues par la Constitution du 07 mai 2010 a aussi impacté le respect de nos engagements internationaux en matière des droits de l’homme. D’ailleurs, c’est de là que viendra plus tard la rupture entre lui et le peuple de Guinée entraînant la crise politique qui a débouché à sa chute à la suite du coup d’État militaire intervenu le 05 septembre 2021. Un putsch intervenu moins d’un an après sa réélection résultant d’un processus controversé pour un 3ème mandat jugé non conforme à l’esprit de la Constitution du 07 Mai 2010 et de la charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance.
En effet, alors que la Constitution du 07 mai 2010 verrouillait toute possibilité pour tout Président d’exercer plus de deux mandats présidentiels consécutifs ou non, le Président Condé choisit de contourner cet obstacle par l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle Constitution qui lui permettait de se présenter et remettre les compteurs de ses mandats à zéro. Un des prétextes qu’il avait utilisés à l’époque était que la constitution de 2010 n’avait pas été adoptée par référendum.
Des velléités qui n’avaient pas laissé indifférents les acteurs politiques et sociaux qui y voient des manoeuvres dictées uniquement par sa volonté de se maintenir au pouvoir au-delà de ses deux mandats légaux. Ils se sont alors regroupés au sein de la plateforme intitulée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) pour dénoncer cette situation et exiger du Président Condé le respect de la Constitution du 07 mai 2010.
Malgré les nombreuses protestations des membres de cette coalition de l’opposition et de la société civile à travers des marches qui ont parfois été réprimées dans le sang, Monsieur CONDÉ a fait le forcing pour imposer une nouvelle Constitution qui lui a permis d’être réélu dans un climat de violence et de tensions.
La suite, on la connaît tous comme souligné plus haut. C’est à peu près la même voie qu’emprunte le CNRD en écartant la charte de la transition au profit de la nouvelle Constitution.
Par :
Mariama Diallo SY
Amadou BAH
Boubacar Sanso BARRY
Mahamoud TOURE
Alseny SALL
Sékou KAMANO
Jacques Lewa LENO
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