Une adresse au président de la transition : Monsieur le Président, la DGE, un risque majeur pour l’héritage du CNRD
Monsieur le Président de la Transition, Cher Général,
Depuis le 5 septembre 2021, l’Upag – Les Patriotes et le Collectif des Leaders pour la Refondation en Guinée ont toujours été des partenaires engagés dans la noble mission que le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) s’est fixée : celle de la refondation de l’État guinéen. Nous avons soutenu vos objectifs, salué les avancées et compris les défis d’une transition délicate. C’est précisément parce que je crois en la vision d’une Guinée nouvelle que je me sens aujourd’hui le devoir, en toute responsabilité, de vous alerter sur une décision qui, selon moi, met en péril la crédibilité de l’ensemble du processus électoral : la création de la Direction Générale des Élections (DGE).
Une légitimité ébranlée : Quand la méthode pèse sur l’objectif
Monsieur le Président, la DGE a été créée par décret le 14 juin 2025, à quelques mois seulement du référendum constitutionnel et des élections nationales de transition. Cette temporalité est déjà sensible. Mais ce qui nous interpelle le plus, c’est la méthode : une décision prise sans aucune concertation avec les partis politiques ni la société civile.
Nous avons toujours prôné le dialogue et l’inclusion. Or, cette démarche unilatérale fragilise d’emblée la légitimité de la DGE aux yeux de l’opinion publique et des acteurs politiques. Elle est perçue, à tort ou à raison, comme un instrument de contrôle étatique du processus électoral, allant à l’encontre de l’esprit d’ouverture et de transparence que nous espérons tous pour cette transition.
L’indépendance, pilier de la confiance démocratique
La composition de la DGE, Monsieur le Président, soulève également des questions fondamentales. Le directeur sera nommé par décret présidentiel, sans aucune participation des partis politiques, de la société civile ou d’observateurs internationaux dans sa gouvernance. De plus, sa centralisation sous l’autorité du ministère de l’Administration du territoire, un ministère historiquement impliqué dans la politique partisane, constitue un recul majeur.
Cette structure marque une perte significative de l’indépendance institutionnelle que la CENI, malgré toutes ses critiques, tentait de défendre. Dans un pays comme le nôtre, marqué par des cycles électoraux malheureusement émaillés de violences (2007, 2010, 2020), l’absence d’une autorité électorale incontestablement indépendante est un facteur de risque majeur. Elle alimente une crise de confiance qui pourrait compromettre l’acceptation des résultats et, par extension, la stabilité du pays.
Des missions essentielles sous surveillance
La DGE se voit confier des missions cruciales : la révision du fichier électoral biométrique, l’organisation technique et matérielle des scrutins, et la gestion de la communication électorale. Chacune de ces missions est vitale pour la crédibilité de nos élections. Cependant, dans le contexte actuel, les risques sont élevés :
1. Opacité sur le fichier électoral : La transparence de ce processus est primordiale. Des soupçons de tripatouillage des listes, notamment dans les zones rurales ou sensibles, pourraient entacher gravement l’équité du scrutin.
2. Monopole de la communication : Confier la communication électorale à une structure gouvernementale unique peut biaiser l’information et créer un déséquilibre flagrant au détriment de l’opposition et de la pluralité des voix.
Ces risques créent un déséquilibre manifeste et nourrissent des suspicions de manipulation. C’est pourquoi, Monsieur le Président, le Collectif des Leaders pour la Refondation en Guinée et l’Upag-Les Patriotes s’inquiètent vivement des conséquences de cette approche.
L’enjeu diplomatique et le risque de troubles
Monsieur le Président, la crédibilité des élections guinéennes est également un enjeu diplomatique majeur. La Guinée risque de perdre la confiance de ses partenaires techniques et financiers, essentiels pour le soutien logistique, l’observation et le financement de nos processus électoraux.
Plus grave encore, le refus de dialogue autour de la DGE renforce l’idée que le processus est déjà biaisé. L’absence d’une structure véritablement indépendante risque de délégitimer les résultats, quel qu’en soit le vainqueur. Ceci, Monsieur le Président, pourrait réactiver des tensions sociales et politiques, voire provoquer des troubles post-électoraux. C’est ce que nous voulons à tout prix éviter pour préserver les acquis de la transition et la paix sociale.
Des recommandations pour un processus crédible et une transition réussie
Monsieur le Président, notre engagement pour la refondation est sans démagogie, sincère et profond. C’est dans cet esprit que je vous soumets humblement les recommandations suivantes pour renforcer la crédibilité de la DGE et garantir des élections transparentes et apaisées :
1. Ouvrir sans délai un dialogue national inclusif sur la gouvernance et le fonctionnement de la DGE, en associant pleinement tous les acteurs politiques et de la société civile.
2. Associer de manière significative la société civile et les partis politiques à toutes les étapes de la supervision électorale.
3. Mettre en place une commission d’observation électorale véritablement indépendante et pluraliste, dotée de prérogatives claires.
4. Impliquer activement et de manière transparente nos partenaires techniques internationaux, dont l’expertise et la neutralité sont des atouts précieux.
5. Rendre publics et accessibles les processus de révision du fichier électoral, garantissant ainsi sa fiabilité et sa transparence pour tous.
Monsieur le Président, la réussite de la transition dépendra, en grande partie, de la confiance que les Guinéens et la communauté internationale accorderont à nos processus électoraux. Je suis convaincus que vous partagez mon aspiration à une Guinée démocratique et stable. Je reste à votre entière disposition pour contribuer à un dialogue constructif et à la mise en œuvre de ces propositions. L’héritage du CNRD en dépend.
Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre haute attention.
Cheick Oumar TRAORÉ
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