La République de Guinée, pays à majorité musulmane, est régulièrement traversée par des débats sur la place de la religion dans la sphère politique. L’idée d’un islam politique, entendu comme une gouvernance inspirée des valeurs et principes islamiques, ne peut être envisagée sans une réflexion approfondie sur les conditions de son applicabilité dans un État moderne et pluraliste.
Les préalables incontournables
La mise en œuvre d’un tel projet exige des fondations solides, dépassant le simple discours idéologique :
- Médias responsables et pluralistes Les médias doivent être des instruments de pédagogie et de sensibilisation, capables de vulgariser les valeurs civiques et religieuses sans tomber dans la propagande. Une presse libre et éthique est indispensable pour prévenir la manipulation des masses.
- Structures sanitaires robustes L’islam politique, s’il veut se présenter comme une alternative crédible, doit garantir la dignité humaine. Cela suppose un système de santé solide, accessible et équitable, en cohérence avec le principe de préservation de la vie (ḥifẓ al-nafs).
- Complexes scolaires émancipés L’éducation est la clé de toute transformation sociale. Des écoles modernes, ouvertes sur le monde et enracinées dans les valeurs islamiques, doivent former des citoyens critiques, responsables et capables de conjuguer foi et science.
- Armée intégrée et disciplinée Une armée nationale, loyale et intégrée « jusqu’à la moelle des os », est nécessaire pour garantir la stabilité et prévenir les dérives. Sans une institution militaire républicaine et professionnelle, tout projet politique risque de s’effondrer.
- Unification des ONG et associations islamiques La dispersion des initiatives islamiques en Guinée limite leur portée. Une fédération ou une coordination nationale des ONG et associations permettrait de canaliser les énergies vers des objectifs communs : solidarité, éducation, santé et justice sociale.
Les enjeux
- Éviter l’instrumentalisation religieuse : L’islam politique ne doit pas être un outil de conquête du pouvoir, mais un cadre éthique pour la gouvernance.
- Respecter la diversité nationale : La Guinée est plurielle, avec des sensibilités religieuses et culturelles variées. Toute démarche doit préserver l’unité nationale.
- Modernité et authenticité : Le défi est de concilier les valeurs islamiques avec les exigences d’un État moderne, démocratique et ouvert sur le monde.
Conclusion
L’islam politique en Guinée ne peut se réduire à une proclamation. Il exige des préparatifs structurels, institutionnels et sociaux. Sans médias responsables, santé solide, éducation émancipée, armée intégrée et ONG unifiées, ce projet resterait une utopie. La véritable question n’est pas seulement si l’islam politique est applicable, mais comment il peut s’incarner dans un cadre respectueux de la dignité humaine, de l’unité nationale et des aspirations démocratiques.
Par Sidiki KEITA
Economiste Financier Résident à Conakry