Quand l’imamat devient une camisole : plaidoyer pour la liberté de parole dans nos mosquées (Par Joachim Baba MILLIMOUNO)
Ce qui se passe à Labé est un symptôme alarmant d’une crise plus vaste : celle du renoncement à la vérité, même lorsqu’elle vient d’un lieu sacré.
L’exclusion de l’imam ELHADJ ABDOU HAMID BAH par le secrétariat préfectoral des affaires religieuses de Labé pour avoir dit tout haut ce que tant de citoyens murmurent tout bas, voilà une décision qui heurte, blesse, et trahit une vocation essentielle de la foi : celle de guider, d’éveiller et d’interpeller.
Dire la vérité n’est pas une offense, c’est un devoir.
L’imam Hamid n’a ni insulté ni profané. Il a tenu un miroir aux fidèles. Il a appelé à l’introspection, à la réforme individuelle et collective, avec les mots d’un homme de foi qui veut voir sa société s’élever. Et pour cela, il est puni. La sanction qui lui est imposée, une interdiction d’accès aux mosquées de Labé, n’est pas seulement injuste ; elle est indéfendable. Peut-on réellement priver un croyant d’un lieu de culte ? L’acte est contraire à l’esprit même de la religion, à ses valeurs d’amour, de pardon, et de dialogue.
Ce n’est pas la première fois que l’institution religieuse islamique frappe fort contre ses propres serviteurs.
L’imam Yahyah Camara, dont l’éloquence et le courage politique avaient marqué les esprits, a lui aussi été banni pour ses critiques à l’encontre du régime d’Alpha Condé. Doit-on comprendre que l’imamat se réduit à réciter des prières, bénir des mariages et officier des baptêmes, en silence et sous surveillance ?
Les leaders religieux, imams, prêtres, pasteurs, ont une responsabilité sociale, une voix dans la cité. Le prophète, les saints, les érudits qui ont marqué l’histoire ne se sont jamais tus devant la dérive morale. Ils ont dénoncé, conseillé, élevé les consciences. Réduire le rôle des imams à celui de simples opérateurs rituels est une trahison de leur mission.
Dans un contexte africain de profonde déperdition des valeurs, leur voix est vitale.
Nos sociétés se sont déshabillées de leur dignité, de leur humanité même, dans une course effrénée vers le matériel, le clanisme, et le mensonge normalisé. Et lorsque surgit une parole authentique, aussi rude soit-elle, elle est censurée. Est-ce ainsi qu’on espère redresser les mœurs ? En bâillonnant les rares qui osent parler vrai ?
La ligue islamique préfectorale de Labé doit revoir sa posture. Il ne s’agit pas d’approuver tous les propos, mais de respecter le droit à l’expression dans l’espace sacré, surtout quand il vise l’élévation de l’esprit et du comportement.
Libérez la parole dans nos mosquées. Ne craignez pas la vérité. Craignez le silence complice.
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