Face à un imbroglio juridico-politique, savamment orchestrée, à l’image des intérêts partisans, le juriste a l’obligation de dire ce que dit le droit en tenant compte du contexte social. L’opinion nationale guinéenne reste préoccuper et partager sur la question d’une éventuelle réforme constitutionnelle.
La constitution est l’ensemble des textes fondamentaux de l’Etat qui ne peuvent être élaborés ou révisés que selon une procédure spéciale et par un organe spécialement désigné à cet effet. Cette procédure est le référendum populaire ou une procédure de vote différente de celle utilisée pour les l’adoption des lois ordinaires et cet organe spécifique est le pouvoir constituant. Il est dit originaire, lorsqu’il s’agit d’une nouvelle constitution et dérivé, lorsqu’il s’agit d’une révision constitutionnelle.
L’état actuel des débats fait appel à la précision et à la distinction d’un certain nombre de questions :
La révision constitutionnelle consiste à corriger le texte constitutionnel existant par adjonction ou par suppression et le changement constitutionnel consiste à adopter un texte nouveau indépendant de tout autre texte. L’adoption d’une nouvelle constitution peut être favorisée, soit par des situations spontanées, soit par des situations concertées.
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Dans le premier cas, il s’agit de la naissance d’un nouvel Etat, consacrant un ordre juridique nouveau, d’une guerre, d’un coup d’Etat ou d’une révolution remettant en cause l’ordre juridique existant. Dans le deuxième cas, il peut s’agir d’un changement substantiel du mode de gouvernance politique. La situation guinéenne ne peut ressembler qu’à la dernière situation.
-Une question revient toujours dans le débat: quelle est la base juridique qui permet au Président de la République d’initier un référendum constitutionnel en Guinée?
L’article 2 de la constitution guinéenne du 7 mai 2010 dispose que : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentant élus ou par voie de référendum.
La souveraineté s’exerce conformément à la présente Constitution qui est la loi suprême de l’Etat. »
Il faut rappeler que la constitution est un élément de la souveraineté qui appartient exclusivement au peuple. Il est le seul capable de la modifier ou de la changer. Cependant, le Président de la République et les députés ne peuvent qu’initier une réforme constitutionnelle, en vertu de la délégation de l’exercice de la souveraineté, sans pouvoir la modifier ou changer.
-Une éventuelle nouvelle constitution permet-elle au Président actuel d’avoir un nouveau mandat ?
Sans doute, la réponse est positive. Le principe de non rétroactivité de la loi fait obstacle à une nouvelle constitution d’empêcher un quelconque mandat.
-Suivant quel texte et quelle procédure faut- il changer la constitution ?
Cette question ne peut trouver une réponse juridique. La constitution étant la norme suprême dans l’Etat ne peut être élaborée sur la base d’un quelconque texte. La procédure d’élaborer une nouvelle constitution, appartient au pouvoir constituant originaire qui, n’est jamais lié par une quelconque disposition aussi valeureuse soit elle.
-Une nouvelle constitution est-elle opportune dans le contexte actuel de la Guinée ?
C’est à ce niveau que se situe l’essentiel du problème, mais malheureusement cette question est bousculée par les égos personnels. Elle relève de la science politique et échappe au droit. Ce qui fait que le juriste ne saurait trouver une réponse juridique. Sur la question, les opinions se divisent et les prises de positions sont largement tributaires des considérations partisanes.
Seul le peuple souverain peut répondre définitivement à cette question. Ce qui fait appel au référendum populaire. Trois (3) raisons justifie cette solution. La première est que la souveraineté appartient au peuple, la deuxième raison est que la démocratie est le pouvoir du peuple et la troisième raison est que, dans la répartition des normes juridiques dans l’Etat, la constitution appartient au peuple, la loi appartient au pouvoir législatif et le règlement appartient au pouvoir exécutif.
On peut comprendre la raison de la crainte des opposants à un éventuel référendum, même si cela ne leur donne pas raison sur leur position. Il s’agit de la crise de confiance quant à la crédibilité de de ce référendum et la sincérité des résultats de cette consultation. Le débat devrait plutôt être orienté sur la transparence, la sincérité, l’honnêteté et la crédibilité de la consultation référendaire. Face à ce dilemme, quelques solutions s’imposent.
La situation guinéenne fait appel à plusieurs alternatives possibles :
Il existe deux procédés de changement constitutionnel: Les procédés non démocratiques et les procédés démocratiques.
Encore appelée la technique de constitution octroyée, la technique autoritaire consiste pour le Chef, généralement un Roi, de prendre l’initiative de limiter son propre pouvoir en octroyant un texte constitutionnel à ses sujets. Ces derniers n’ont pas d’autre choix que de l’accepter.
Encore appelée la technique de constitution de pacte, elle consiste pour le Chef de se faire entourer de ses proches pour élaborer une constitution qui, sera annoncée à ses sujets.
Ces des techniques ont en commun l’absence de toute participation du peuple.
Elle consiste à élire les membres d’une assemblée constituante, chargée d’élaborer et d’adopter un texte constitutionnel.
Elle consiste à élire les membres une assemblée constituante, chargée uniquement d’élaborer un texte constitutionnel qui, sera approuvé par le peuple souverain.
Elle consiste à mettre en place un comité, non élu, chargé d’élaborer un texte constitutionnel qui, sera soumis à appréciation du peuple par voie référendaire.
Ces techniques démocratiques ont en commun la participation, plus ou moins poussée du peuple au processus. Dans le premier cas, le peuple intervient une fois seule fois au début. Dans le deuxième cas, le peuple intervient deux fois, au début et à la fin et dans le dernier cas, le peuple intervient une seule fois, à la fin.
Dans la pratique, les Etats adaptent ces techniques démocratiques à leur situation, en tenant compte des difficultés auxquelles ils sont confrontés. On peut rappeler quatre (4) cas pour illustrer cette affirmation :
Nul doute, l’opinion nationale est divisée sur la question d’une éventuelle réforme constitutionnelle. Le premier camp souhaite, à tout prix, offrir un nouveau mandat au Président de la République en fonction et le second semble être engagé à s’opposer systématiquement à toute idée de plus de deux mandats. L’enjeu est donc politique et non juridique. Dans ce contexte, on défend le mandat et non la constitution.
Faut-il laisser ces deux (2) camps s’affronter, mettant en péril la paix sociale ou proposer un dialogue national pour faire obstacle à la violence ?
Soit on commence par le dialogue pour économiser l’énergie, soit on termine par le dialogue après avoir épuisé l’énergie. Le dialogue demeure la voie sûre pour l’instauration, la restauration et la pérennisation de la paix.
La vie d’une nation est caractérisée par deux situations : la stabilité et l’instabilité. Elles peuvent être d’ordre politique, social ou économique. La paix n’étant pas synonyme du silence des armes ou des cris, doit être préservée de façon quotidienne, car la guerre ne commence jamais le jour des hostilités.
La voix de la raison se concilie bien avec la deuxième alternative. Ce qui nécessite la mise en place d’une commission ad hoc inclusive, chargée de réfléchir sur les voies de sortie honorable et paisible de la crise. Cette solution demande de dépassement de soi-même.
Par Abdourahamane Wassolo DIALLO
Doctorant en Droit à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, Enseignant-Chercheur, Professeur de Droit constitutionnel à la Faculté des Sciences Juridiques et Politique de l’Université Général Lansana CONTE de Sonfonia– Conakry.