Kodjo Tsikata est une de ces grandes personnalités qui ont participé à la reconstruction politique de l’Afrique tout en restant dans l’ombre.
Il est le lien entre Kwame Nkrumah et Jerry John Rawlings et a eu le privilège de servir les deux administrations.
Né vers 1935 il dit être entré dans l’armée pour servir son pays.
En 1960, en tant qu’officier il fait partie du contingent militaire ghanéen envoyé au Congo pour protéger Patrice Lumumba et son gouvernement nationaliste.
Quelques années plus tard, au Ghana, dans un contexte de fin de parcours du pouvoir de Kwame Nkrumah, il est arrêté emprisonné et a risqué la peine de mort, accusé d’atteinte à la sécurité de l’état.
Mais parce qu’il s’était fait remarquer au Congo pour ses convictions anticolonialistes, Samora Machel parvint à plaider sa cause et à le faire libérer.
Il part alors pour le Mozambique et travaille pour le FRELIMO, le mouvement de libération du Mozambique.
Dans une Afrique australe en lutte armée contre l’apartheid et le colonialisme portugais il a l’occasion de servir l’ANC d’Afrique du Sud le MPLA d’Angola, mais surtout il se forme au métier de la sécurité et du renseignement au contact des Cubains.
Panafricaniste et anti-impérialiste convaincu, au début des années 80, il adhère à la Mathaba de Muammar Kadhafi, une organisation lybienne qui a pour but de recruter former et financer dans la clandestinité des militants de réseaux anti-impérialistes en vue de la libération du continent africain du carcan du néocolonialisme.
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C’est donc presque naturellement qu’il rejoint les rangs de la révolution ghanéenne après le deuxième coup d’état de Rawlings du 31 décembre 1981.
Pendant tout le processus révolutionnaire il dirigera les services de sécurité et de renseignement du PNDC de Rawlings avec une main de fer.
Ce sont ses hommes qui organiseront les purges politiques des années sanglantes de la révolution ghanéenne.
Véritable numéro deux du pouvoir, il restera loyal et fidèle à Jerry Rawlings en toute circonstance sans jamais laisser le moindre doute s’insérer entre lui et le chairman.
Les Étatsuniens et les Anglais cesseront leurs tentatives de déstabilisation du Ghana après la tentative avortée du coup d’état de 1985 ayant mesuré la solidité des institutions révolutionnaires du Ghana.
Les services de renseignement de Thatcher notamment feront parvenir une note à ceux de Reagan dans laquelle il est dit : » qu’il est peu probable de pouvoir renverser le régime de Rawlings par la force parce que les services de sécurité de Kodjo Tsikata organisés en CDR à la cubaine contrôlent tout le pays « .
Kodjo Tsikata était un homme totalement secret désintéressé par le pouvoir personnel et l’argent facile en plus d’être incorruptible et inflexible.
Il ne parlait en public qu’en de très rares occasions et n’a livré sa pensée politique qu’au cours de séminaires politiques semi clandestins notamment à travers ceux de la Mathaba à destination de jeunes cadres africains de l’Afrique de l’ouest, dans les années 80.
Nkrumahiste convaincu, pour lui on ne pouvait reconstruire l’Afrique que par des processus politiques autonomes et en réeduquant idéologiquement au préalable les jeunes générations d’Africains afin de les débarrasser du logiciel néocolonial qui imprégnait leur mentalité.
Kodjo Tsikata s’est éteint à Accra le 20 novembre 2021 quasiment un an jour pour jour après Rawlings.
Conformément à ses idées et à ses souhaits et ayant toujours refusé toute récompense de l’état, il sera enterré dans l’intimité de son cercle familial.
Un grand Africain s’en est allé.