La Cour suprême du Kenya a invalidé ce jeudi un processus de révision constitutionnelle initié par le président Uhuru Kenyatta, mettant un coup d’arrêt à ses projets à quatre mois d’élections présidentielle et législatives à forts enjeux.

Avec cette réforme qu’ils ont portée depuis 2018, Kenyatta et ses alliés ambitionnaient notamment de créer un poste de Premier ministre, de leader de l’opposition, deux de vice-Premiers ministres ainsi que de nouveaux postes au sein de l’exécutif, rapporte notre correspondante à Nairobi, Florence Morice. Un projet qui aurait été la plus importante modification du système politique kényan depuis l’introduction d’une nouvelle Constitution en 2010.

C’est dans une salle d’audience bondée que les sept juges de la Cour suprême ont rendu leur verdict. Six d’entre eux confirment que le projet de réforme défendu par Uhuru Kenyatta était bien illégal, au motif que la loi kényane n’autorise pas un président en exercice à initier et promouvoir un référendum populaire pour amender la Constitution.

« Le président ne doit pas être un acteur et un arbitre dans le processus » a déclaré Martha Koome, la présidente de la cour. À l’unanimité, les juges ont également qualifié d’« anticonstitutionnel » l’amendement très attendu, qui prévoyait de créer 70 postes supplémentaires au Parlement.

BBI, un projet pour se maintenir au pouvoir ?

La haute cour de Nairobi, puis la cour d’appel de la capitale, avaient retoqué le projet « Building Bridges Initiative » (BBI), estimant notamment que le président n’avait pas le droit d’initier un tel processus. Les juges de la Cour suprême ont toutefois estimé que sur le fond, une telle modification du système de gouvernement restait possible, invalidant l’argument des opposants au texte qui affirmaient que la Constitution possédait une « structure de base » intangible.

L’énoncé du verdict a duré six heures. Il a été suivi et commenté en direct par de nombreux kényans sur les réseaux sociaux. Il faut dire que le chef de l’État a défendu bec et ongle ce projet destiné, selon lui, à atténuer le système actuel du « vainqueur qui rafle tout », cause selon lui des conflits électoraux qui ont jalonné l’histoire du pays. Ses détracteurs, eux, y voyaient plutôt une tentative pour lui de rester au pouvoir en créant un poste de Premier ministre qu’il aurait occupé en cas de victoire de Raila Odinga.

Après un rapprochement inattendu entre Uhuru Kenyatta et son adversaire politique de toujours depuis 2018, l’opiniâtre promotion du BBI par les deux hommes ont nourri les spéculations sur un possible pacte de partage du pouvoir si Raila Odinga accédait à la présidence en 2022. En mars dernier, le président Kenyatta a officiellement apporté son soutien à Raila Odinga, qui affrontera le vice-président William Ruto lors de l’élection présidentielle du 9 août 2022.

Par rfi.fr