Maitre Mohamed Traoré : « Ce n’est pas la démocratie qui freine l’Afrique, mais son absence »

Alors que plusieurs régimes africains en transition tendent à justifier leur autoritarisme par une volonté de développement économique, la voix de Mohamed Traoré, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats de Guinée et ex-membre du Conseil national de la transition (CNT), s’élève pour dénoncer ce qu’il qualifie de fausse alternative entre démocratie et développement.

Pour l’avocat, la véritable entrave au progrès du continent n’est pas la démocratie, mais plutôt sa mauvaise application ou son rejet pur et simple.
« Pourquoi nous impose-t-on un choix entre démocratie et développement ? », interroge-t-il, avant de critiquer les discours de certains dirigeants comme celui du Président de la Transition du Burkina Faso, qui affirmait récemment qu’aucun pays ne s’est développé sous un régime démocratique.

Mohamed Traoré dénonce cette logique, selon laquelle les libertés devraient être sacrifiées au nom de la croissance économique, en prenant pour exemple le Rwanda souvent cité pour son modèle autoritaire.

« Si la démocratie ne garantit pas toujours le développement, la dictature non plus ne le fait pas systématiquement. Le Rwanda, malgré ses avancées, reste classé parmi les pays les moins avancés, selon les spécialistes », souligne-t-il.

En contre-exemple, il cite des nations africaines telles que le Cap-Vert, le Botswana, l’Île Maurice ou les Seychelles, qui ont réussi à progresser économiquement et socialement tout en restant fidèles aux principes démocratiques.
« Dans ces pays, la démocratie n’est pas un obstacle, mais un levier de développement », conclut-il.

Pour appuyer ses propos, Me Mohamed Traoré s’appuie sur une citation de l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade :

« Ce n’est pas le développement d’abord et la démocratie ensuite, mais la démocratie d’abord et le développement ensuite, car la démocratie libère l’esprit de créativité. »

Une position que certains peuvent contester, admet Me Traoré, mais qui a le mérite de remettre en question des idées reçues et d’offrir une autre lecture des rapports entre gouvernance et progrès.

L’avocat guinéen insiste : l’Afrique n’a nul besoin de trancher entre démocratie et développement. Selon lui, ces deux piliers peuvent et doivent aller de pair pour garantir une transformation durable et inclusive du continent.

” Le seul problème qu’on a avec la démocratie, c’est le fait qu’elle n’a jamais été effective dans nos pays. Il y a des constitutions, des élections et des institutions ; la justice est indépendante, selon les textes. Mais au fond, tout cela ne correspond pas à quelque chose de tangible. Ce n’est donc pas la démocratie qui est la source de nos problèmes, mais l’absence de démocratie ou plutôt la pâle photocopie de celle-ci. Appliquons la démocratie selon ses règles et principes, soyons des démocrates, on jugera ensuite“.